Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, tire la sonnette d’alarme à propos des menaces envers la liberté de presse à l’échelle du globe, notamment la désinformation, les discours haineux, voire carrément les attaques meurtrières contre les représentants des médias. M. Guterres dit ainsi appeler à une « plus grande solidarité avec les personnes qui nous apportent les informations ».
Cette déclaration a été présentée dans le cadre de la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai.
« La liberté de la presse est le fondement même de la démocratie et de la justice. Grâce à elle, nous disposons de tous les faits dont nous avons besoin pour façonner notre opinion et dire la vérité aux détenteurs du pouvoir. Mais aux quatre coins du monde, la liberté de la presse est attaquée », a dit M. Guterres, dont les propos ont été partagés en vidéo.
De son côté, la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a rappelé que l’année 2022 avait été la plus meurtrière pour les journalistes. Ainsi, on aurait recensé quelque 86 journalistes tués, principalement à l’extérieur des zones de conflit.
« Souvent, ils étaient chez eux avec leur famille », a-t-elle dit. Des centaines d’autres ont été agressés ou emprisonnés, soutient-on.
Toujours selon Mme Azoulay, puisque la plupart de ces crimes demeurent impunis, cela « envoie un message effrayant », car « la sécurité des journalistes n’est pas seulement l’affaire des journalistes ou des organisations internationales. C’est une question qui concerne la société dans son ensemble ».
Par ailleurs, les travailleurs de l’information seraient aussi pris pour cible en ligne. Comme le mentionnent les Nations unies, un rapport daté de 2021 indique que 73 % des femmes journalistes ont été victimes de harcèlement en ligne. Devant ce constat, l’UNESCO réclame que les plateformes numériques renforcent leur protection contre ces attaques.
De son côté, le sous-directeur général de l’UNESCO, Tawfik Jelassi, a confié au département d’information de l’ONU qu’il ne faut pas simplement dire aux femmes journalistes d’ignorer les messages haineux, d’autant plus que 20 % d’entre elles finissent par être attaquées physiquement, indique l’étude.
« Il ne s’agit pas de lire ou de ne pas lire de messages de haine en ligne », a-t-il insisté. « Qu’est-ce que l’on fait avec les attaques physiques, la violence corporelle qui touchent 20% d’entre elles? On les vise un parce qu’elles sont des journalistes. Deuxièmement, parce qu’elles sont des femmes ».
Un métier essentiel
Et pourtant, devant tous ces défis et ces obstacles, juge Mme Azoulay, « les journalistes sont plus que jamais nécessaires », d’autant plus que « l’avènement de l’ère numérique a modifié l’ensemble du paysage de l’information ».
« Aujourd’hui, les plateformes numériques sont globales, elles touchent le monde entier. Donc une information qui est malveillante, peut faire du mal à travers le monde à une vitesse grand V, en temps réel », indique ainsi M. Jelassi.
Si ce changement de paradigme, en matière d’information, a des avantages, « puisque l’information est un droit humain », mentionne M. Jelassi, il faut aussi tenir compte du fait, dit-il, que « cette information n’est plus sujette à un système éditorial, à des professionnels seulement. Toute personne peut se poser comme un ou une journaliste alors que ce sont des blogueurs et autres. Ils n’ont pas eu cette formation professionnelle ».
Ainsi, il n’est plus nécessairement question d’avoir une structure organisée, ou encore une ligne éditoriale qui permet d’éviter la dissémination de mensonges.
Selon la cheffe de l’UNESCO, Audrey Azoulay, « Nous nous trouvons à un nouveau carrefour ». « La voie que nous suivons actuellement nous éloigne des débats publics éclairés. Elle nous éloigne de la notion même de réalité partagée dont elle dépend. Nous nous dirigeons vers une polarisation toujours plus grande ».
Dans son propre discours lors de la cérémonie à propos de la liberté de la presse, A.G. Sulzberger, président et éditeur du New York Times, a appelé les dirigeants des différents pays à « se mobiliser pour garantir des protections juridiques aux journalistes indépendants et à leurs sources ».
« Pour les pays où il est périlleux de rapporter la vérité, cela signifie que la communauté internationale doit affirmer clairement qu’elle dénoncera et punira les mesures de répression et les attaques contre les journalistes, où qu’elles se produisent. »