Les allégations d’inconduite réduisent habituellement l’appui public en faveur de candidats politiques, mais plusieurs électeurs voteraient tout de même pour une personne accusée de harcèlement sexuel, selon une nouvelle étude publiée dans le magazine spécialisé Electoral Studies par des chercheurs de la Queen Mary University et de la Brunel University, toutes deux à Londres.
Un observateur externe de la politique pourrait croire que ce monde et celui des scandales s’entendent comme larrons en foire. Certains politiciens démissionnent lorsqu’ils sont accusés d’inconduite, alors que d’autres font de leur mieux pour survivre à la tempête… Mais comment les allégations de harcèlement sexuel affectent-elles les électeurs?
Jusqu’à présent, les études sur la question démontrent que les électeurs ont tendance à punir ces politiciens, bien que certains d’entre eux demeurent fidèles à un parti, malgré des allégations contre un candidat. D’autres travaux indiquent que les électeurs s’inquiètent moins des scandales sexuels que de la corruption.
Les données mettent aussi de l’avant le fait que le timing est important : par exemple, des scandales éclatant durant une campagne électorale peuvent entraîner davantage de problèmes pour les candidats; lorsque de telles informations sont répétées, cela peut aussi intensifier les effets négatifs.
La nouvelle étude cherchait à déterminer si des électeurs étaient moins portés à voter pour un candidat accusé de harcèlement, et à quel point les valeurs personnelles jouaient sur les intentions de vote pour de tels candidats.
Les travaux ont impliqué plus de 700 Américains adultes qui avaient le droit de vote lors des élections de 2020. Les participants ont reçu des informations de base à propos d’un candidat masculin hypothétique se présentant au poste de gouverneur, au nom de leur parti préféré, un candidat qui mettait de l’avant ses priorités politiques et se présente comme un homme aux valeurs familiales développées.
Questionnés à savoir s’ils envisageaient de voter pour lui, en fonction des informations fournies, 90 % des participants ont répondu par l’affirmative.
Ces adultes ont ensuite été séparés au hasard en deux groupes, puis ont reçu plus d’informations à propos de ce candidat. L’un des deux groupes a appris qu’il travaillait avec des écoles du coin, tandis que l’autre a lu des reportages et des articles à propos d’allégations récentes de harcèlement sexuel déposées par d’anciens collègues, ce qui a poussé le candidat à régler une poursuite.
Le premier groupe est demeuré favorable au candidat, et ses intentions de vote sont passées à 94 %, tandis qu’au sein du deuxième groupe, cette proportion a chuté à 43 %.
Bien que les allégations aient réduit l’appui total, l’étude a aussi révélé qu’il existait une minorité importante qui voterait tout de même pour un candidat accusé de harcèlement sexuel, les valeurs personnelles jouant un grand rôle dans cette décision.
Par exemple, les électeurs âgés de 60 à 69 ans étaient plus favorables au candidat accusé que les participants de 18 à 30 ans; il s’agit d’une bonne nouvelle pour les politiciens impliqués dans des scandales, puisqu’il est connu que les électeurs plus âgés votent davantage.
L’une des autrices de l’étude, la Dre Sofia Collignon, a indiqué que « nous avons constaté que les valeurs personnelles d’universalisme et de bienveillance étaient particulièrement importantes. Si l’électeur priorise le bien-être d’autres personnes plutôt que le pouvoir et l’ambition, ils étaient alors davantage portés à s’éloigner du candidat accusé ».
Pour sa part, un autre auteur de l’étude, le Dr Manu Savani, a déclaré que « les valeurs individuelles guident les gens dans leur prise de décision dans tous les aspects de leur vie, y compris la politique. Ce que nous voulions savoir, c’est si cela expliquait aussi pourquoi certains électeurs étaient plus portés que d’autres à punir des candidats dans les sondages, si ceux-ci étaient accusés d’inconduite sexuelle ».