Bienvenue dans le 6000e vaisseau qui fonce à travers l’univers intersidéral, très loin de notre planète. Est-il arrivé un malheur à celle-ci? Les humains qui sont à bord ne la reverront plus et ils en ont la nostalgie. Mais la lassitude n’a pas effacé leurs souvenirs et leurs rêves sont peuplés d’images simples comme le clapotis d’une rivière ou les traces d’un oiseau sur la neige. Les ressemblants sont au contraire tout à fait optimistes. Ce n’est pas leur caractère immortel qui les rend ainsi, c’est qu’ils ont été programmés pour espérer en l’avenir.
Les ressemblants croient que la vie vaut vraiment d’être vécue. Ils ignorent tout de la tristesse des humains. En 18 mois seulement, ils sont adultes et efficaces, là où il faut 20 ans à un humain pour réaliser les mêmes tâches.
Le vaisseau est un lieu complexe avec ses salles de machines, son dortoir, ses aires d’entreposage de mystérieux objets, sa cafétéria… Grâce aux différentes voix qui s’expriment, le spectateur de la pièce reconstitue comme il le peut l’organisation de ce monde. Tous à bord sont des employés qui travaillent au bon déroulement de la mission. Les vibrations sonores sont sans doute le résultat de leurs occupations et de l’avancée du vaisseau.
Mais bien au-delà de ce fond sonore, il y a les petites voix intérieures qui se font entendre et qui donnent à réfléchir à chacun de ces individus. Du côté des humains, elles ressassent les souvenirs, les regrets, les manques, y compris toutes ces choses dont ils se plaignaient quand ils étaient encore sur terre. De celui des ressemblants, elles se questionnent parfois sur l’émergence de sentiments pour lesquels ils n’ont peut-être pas été programmés et de ce qui peut ressembler à une psyché. Les ressemblants ont-ils une psyché?
La poétesse et romancière danoise Olga Ravn est à l’origine de la pièce proposée au Prospero. Son roman Les employés a été traduit en français et adapté en pièce de théâtre dans une mise en scène ambitieuse et particulièrement originale.
Le spectateur découvre peu à peu les questionnements intérieurs de plusieurs de ces employés, humains ou ressemblants. La ligne est fine entre les deux catégories.
Plusieurs personnages se distinguent dont on peut plus ou moins suivre le cheminement. Mais la pièce est plutôt construite comme une tranche de vie sur le vaisseau qui constitue finalement le seul et unique personnage.
Pas de position en faveur ou contre l’intelligence artificielle; les ressemblants n’apparaissent pas spécialement menaçants. Comme nos machines actuelles, ils sont de 1er, 2e ou 3e génération et connaissent des bogues et des besoins de reprogrammation. Et lorsqu’il y a un vrai problème, on peut toujours les débrancher.
Les employés
Une création de Chambre noire
Texte : Olga Ravn
Traduction : Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen (La Peuplade)
Mise en scène : Cédric Delorme-Bouchard
Avec Mélanie Chouinard, Jennyfer Desbiens, Myriam Foisy, Jonathan Malenfant et Alexis Trépanier
Voix : Alex Bergeron, Marie-Anick Blais, Sophie Cadieux, Mélanie Chouinard, Nathalie Claude, Luc-Martial Dagenais, Jennyfer Desbiens, Nadia Desroches, Alain Fournier, Gabriel Lessard, Gabrielle Lessard, Jonathan Malenfant, Sébastien René, Emanuel Robichaud et Lise Roy
Dramaturgie et adaptation William Durbau
Lumière et scénographie : Cédric Delorme-Bouchard
Conception sonore et musique : Simon Gauthier
Les employés, du 27 avril au 6 mai 2023 au Prospero, à Montréal