Le Cirque du Soleil vise juste avec Echo, une proposition imparfaite relevée par l’excellence de ses numéros misant sur la réinvention avec un niveau de réussite qu’on n’avait pas croisé depuis un bon moment. Un saut dans le vide gagnant qu’on recommande sans hésiter.
On aimerait bien mettre au défi quiconque n’ayant pas été avisé, informé ou n’ayant pas lu un programme ou un communiqué de résumer l’histoire, ou du moins de faire état de la ligne directrice et des thèmes du spectacle.
Disons-le, l’ensemble pourrait difficilement être plus flou. La petite fille aux animaux? Mais encore? Dur de croire que les enfants en ressortiront avec un désir criant de sauver la planète et de protéger à tout prix le lien unissant la faune et la flore.
Pourtant, c’est loin ici d’être un problème. Peut-être parce qu’on a connu quelques spectacles qui abusaient un peu trop de leur côté théâtral. Peut-être aussi qu’avec sa narration de type jeu éducatif de la veine d’Adibou, on avait peur de se retrouver avec le type de projet au concept envahissant.
Heureusement, il ne s’agit pas de ce genre de déception. Bien au contraire. Alors qu’on nous promettait de repousser les limites et de surprendre les spectateurs avec de la nouveauté, on peut admettre que c’est un pari gagné. L’introduction fait peur et le premier numéro pourrait difficilement être moins enlevant, mais disons que cette maigre mise en bouche ne fait qu’augmenter la satisfaction grandissante qui nous envahit tout au long du spectacle.
De fait, après une envolée plus prometteuse aux sangles élastiques, il aura fallu un pépin technique inexpliqué qui a laissé le chapiteau entier dans le noir (littéralement) pour que l’ensemble de la production semble renaître de ses cendres et décider coûte que coûte d’impressionner, d’en mettre plein la vue. Parlez-en à l’énergique numéro de duo de jeux icariens qui a su revigorer le chapiteau au grand complet.
Avec une oeuvre d’apparence simpliste et épurée, on remercie les ajouts de couleurs sur les costumes qui séduits sans détourner l’attention, comme les fascinants masques d’animaux qui s’avèrent étonnamment discrets quoiqu’impossibles à manquer. Il en va de même pour la scénographie d’une grande simplicité qui permet comme le reste de garder l’intérêt presque entièrement sur ses interprètes.
Le hic, ironiquement, est le fameux gigantesque cube qui ne réussit jamais à convaincre ou justifier son existence. Envahissant, il cache régulièrement la vue (c’est encore pire durant l’épatant numéro de deux funambules sur un fil mou, à cause des extrémités de la plateforme) et semble inutilement accaparer l’espace et le temps des artisans. Et ce, sans oublier les affreuses projections à mi-chemin entre des animations rétro semblant sortir de quelques décennies plus tôt et des écrans de veille d’ordinateur de bureau.
Le souffle coupé et le cœur battant
L’un des grands coups du spectacle est en fait de se réapproprier ce que Kooza a tristement perdu : le sentiment de danger. Faisant fi presque en totalité de moyens de protection visibles, alors que les cordes, les filets et même les matelas sont très peu présents, on retient notre souffle à plus d’une reprise devant ces pros qui s’exécutent avec un calme aux antipodes de l’envoutant stress qui garde captif les spectateurs.
En effet, nous sommes incapables de détourner le regard, que ce soit lors du numéro de suspension par les cheveux ou pendant une version quadruplée et endiablée du diabolo.
Le public reste aussi complètement béat devant l’inexplicable Joress Strauss Kenfack Mpandou, dit Strauss Serpent, dans son époustouflant numéro de dislocation et contorsion. Et rarement un duo de clown nous aura autant gardés en haleine de par la spécificité d’intégrer de manière épatante des aptitudes de cirque à leurs numéros.
Si l’on salue les structures des mâts chrysalides, on doit toutefois admettre que la complexité d’ensemble rend le numéro un peu confus, à savoir quoi exactement regarder et quoi en retirer. À l’inverse, l’aisance rassembleuse de la troupe de banquine et cadre humain est irrésistible. Leur numéro est rodé au quart de tour et les anicroches qu’on avait ressenties il y a quelques semaines, lors de la conférence de presse, ont entièrement disparu.
Bien qu’impressionnante, la marionnette géante pourrait tout autant effrayer que fasciner les tout-petits, alors qu’il s’agit d’un drôle de numéro pour mettre fin au premier acte. Cela dit, rien pour gâcher le plaisir, puisque le deuxième défile à vive allure et ne laisse littéralement aucun répit jusqu’au numéro final de triple bascule qui par son instabilité pourrait facilement donner des crises de cœur.
Enfin, on ne peut passer sous silence les sublimes compositions musicales, particulièrement les cordes et les voix, utilisées avec une grande richesse pour supporter les numéros.
Voilà donc un spectacle enchanteur qui prévaut par son enthousiasme contagieux, oui, mais aussi pour un amour évident du cirque et d’un désir d’émerveiller. Sa capacité de présenter sous des angles inédits des numéros qu’on croyait connaître par coeur ou qu’on ne pensait plus qui pourraient nous épater est constamment hallucinante. Echo est donc bien enligné pour devenir un nouveau classique de la compagnie.
8/10
Echo du Cirque du Soleil est présenté sous le chapiteau situé au Vieux-Port de Montréal jusqu’au 20 août prochain.