Sorti en 1970, le long métrage Deux femmes en or de Claude Fournier et Marie-José Raymond est devenu un classique, notamment en raison de son côté coquin. La version revisitée de Catherine Léger, habilement adaptée au contexte social de 2023, arrive sur les planches de La Licorne pour jeter un éclairage nouveau sur le sujet de l’émancipation sexuelle des femmes, sans le voyeurisme de l’œuvre des années 70.
Ici, les deux banlieusardes désœuvrées entre les quatre murs de leur foyer – interprétées par Sophie Desmarais et Isabelle Brouillette – sont en congé de maternité ou en dépression, et s’inquiètent de la disparition de leur libido due à l’allaitement (chez l’une) et aux antidépresseurs (chez l’autre).
L’autrice saisit parfaitement l’occasion pour introduire le refus subversif de ces dames de se soumettre aux pressions de la société : l’une cessera de prendre la médication qui doit la rendre « fonctionnelle », et l’autre d’allaiter, malgré la rigidité sur ce plan et autour de ce qui est (encore) attendu des femmes aujourd’hui. Exit les carcans imposés!
Et notre duo en quête de plaisirs n’hésitera pas à les faire éclater en s’attaquant de front à la source du problème, en s’offrant une panoplie infinie de ravissements, notamment en séduisant tous ceux (voire celles) qui passeront le seuil de leur porte.
Exterminateur, nettoyeur, acheteurs de Kijiji, livreur de pizza, installateur du câble et autres aboutiront tous dans leur grand lit. Ce grand lit qui compose la pièce maîtresse de la scène, où les nombreux ébats sont suggérés à l’aide de jeux d’ombres projetées sur un écran aux couleurs variables selon les humeurs ou pulsions.
Toujours efficaces et pertinents, les fabuleux comédiens Mathieu Quesnel et Steve Laplante jouent à la fois les maris et les multiples amants. Charlotte Aubin complète la distribution, dans le rôle de la maîtresse dont les répliques assassines et inattendues font réagir. Très sobre, la mise en scène de Philippe Lambert est sans lourdeur ni temps morts.
Dans cette nouvelle mouture fermement ancrée dans le registre de la comédie et truffée d’échanges rythmés et mordants, on pose un regard léger, mais critique sur les tourments de notre époque : être bien, s’affranchir, réussir son couple, s’émanciper, performer, être parfait et propret dans un ultime objectif de réussir sa vie. Or, y arrive-t-on? Y arrivera-t-on jamais? Pour paraphraser l’une des héroïnes : « Dans ce monde de marde aseptisé où on pense toutes que c’est de notre faute à nous autres, les femmes, on pourrait dévier de temps en temps pis avoir du fun… en attendant le bonheur. » Pourquoi pas?
La pièce Deux femmes en or est présentée à La Licorne du 18 avril au 15 mai et des supplémentaires devraient être annoncées sous peu.