Il y a de ces artistes que l’on croit immortels; l’indétrônable Jacques Brel est l’un de ceux-là. Et même s’il est mort depuis 45 ans, son souvenir, lui, est toujours bien présent. À preuve, le spectacle BREL!, qui s’arrêtera à Montréal cette semaine. Rencontre avec Olivier Laurent, qui prête sa voix au chanteur.
À l’origine, il faut savoir que M. Laurent est belge, lui aussi. Mais au-delà de la nationalité commune, l’artiste est imitateur. « Dans un spectacle, je jouais une centaine de voix. En Belgique, les gens me connaissaient un peu, et éventuellement, j’ai commencé à chanter une chanson sur Brel », mentionne-t-il au bout du fil.
« Des producteurs sont venus me voir et m’ont dit « tu devrais faire un spectacle sur Jacques Brel ». J’ai répondu « mais ça va pas, la tête? ». Ils reviennent à chaque spectacle… Et à un moment donné, j’ai craqué. J’ai travaillé, travaillé, je n’y croyais pas. À la première, gros succès, public debout, et là je me suis dit qu’il se passait quelque chose. »
En fait, de l’avis même de M. Laurent, il aura fallu pas moins de 10 ans de travail pour perfectionner son imitation du célèbre chanteur. « Que ce soit les gestes, la voix, la façon de chanter, de poser les mots… Et je le dit à tout le monde : on a fait un test lors d’une diffusion sur une chaîne de télé flamande, en Belgique : par spectacle, quand je fais Brel, je perds trois kilos. Je vous jure que c’est le spectacle le plus physiquement dur de ma vie! »
La chose est à un point exigeante, en fait, qu’Olivier Laurent indique s’entraîner constamment pour garder la forme, y compris le total ahurissant de « 13 000 kilomètres de vélo par an ».
« On comprend pourquoi Brel a arrêté, aussi, parce que c’est vraiment, vraiment très, très dur, mais c’est aussi du pur bonheur », indique-t-il.
Comment un spectacle peut-il être aussi exigeant? « Ce n’est rien contre les autres prestations, mais chaque chanson [de Brel] est une histoire. Et si vous ne chantez pas Brel à 100 %, ça ne marche pas. C’est un spectacle avec un personnage qui doit toujours être au top. Donc, ça demande beaucoup de concentration et à chaque spectacle, j’ai un trac monstrueux, car entrer dans ce personnage est quelque chose de très spécial pour moi », poursuit M. Laurent.
« C’est drôle », ajoute-t-il, « parce que mon entourage me dit qu’avant de monter sur scène, je suis encore en jeans, je suis normal. Mais dès que je mets mon costume de Brel, je suis quelqu’un d’autre. Je pense que s’il y avait un boxeur de 100 kilos devant moi, je le pousserais », dit-il en riant.
Olivier Laurent, qui fait déjà tourner le spectacle depuis quelques années, tient toutefois à rassurer son public : « Je vais bien! Mais si je sens que ça m’épuise, un jour, j’arrêterai. Mais je vais bien. »
Un intérêt renouvelé
« Ce que j’aime dans Brel, c’est qu’il y a des moments d’émotion, mais aussi des textes tellement puissants qui racontent des choses toujours actuelles, aujourd’hui », mentionne le chanteur.
Ce dernier ajoute d’ailleurs que le public de Brel continue de se renouveler. « J’ai joué devant des lycéens de 16, 17, 18 ans… C’était un bonheur! Même Brel est encore présent auprès des jeunes, c’est génial. Il y a un rappeur qui me disait que c’était sa référence! »
Signe de l’intérêt encore très marqué pour l’artiste belge, une représentation donnée à guichets fermés à Londres, au Royaume-Uni, a eu lieu devant un public contenant très peu de Français. Pas même besoin de provenir de France ou de Belgique pour apprécier Brel, semble-t-il.
« Il y a une curiosité [de la part du public]; je pense que les personnages [de Brel] sont tellement charismatiques. Et je crois que cet homme restera présent pendant encore des années. Je ne veux pas me vanter, mais j’ai déjà des demandes de spectacle de Brel jusqu’en 2027, déjà! »
Aux yeux d’Olivier Laurent, l’intérêt pour de tels spectacles hommages, à l’instar d’Elvis Story, qui a tourné très longtemps au Québec, par exemple, s’explique entre autres par le besoin de nostalgie du public. « Mais il ne faut pas seulement un bon interprète; il faut de la qualité pour l’ensemble du spectacle. Il faut qu’il y ait un show, derrière, qui soit à la hauteur. Mais je pense qu’effectivement, les gens ont besoin de ça, ça leur fait du bien de retrouver cette nostalgie », dit-il.
« Après des spectacles, certaines personnes viennent me voir, me remercient, me prennent dans leurs bras. C’est à la fois très émouvant, et très bizarre, parce que je ne suis pas Brel, évidemment. »
Brel! le spectacle, présenté jeudi le 20 avril au Théâtre Maisonneuve de la Place-des-Arts, à Montréal