Depuis le début de la pandémie, la même question revient: pourquoi certaines personnes infectées par le virus ont-elles autant de complications qui peuvent même conduire à des décès, alors que la plupart s’en remettent ? Les complications pourraient être prédites en regardant l’expression de certains gènes, avance une récente étude canadienne.
« Nous voulions identifier les marqueurs importants pour la Covid-19 sévère », explique Roger Levesque, professeur à la Faculté de médecine de l’Université Laval et un des auteurs de l’étude. Obtenir de tels indices « accélérerait la prise en charge des patients les plus vulnérables ».
Et certains de ces indices seraient présents dès les premières heures de l’hospitalisation, selon lui.
Ces chercheurs de plusieurs institutions de Colombie-Britannique et du Québec ont étudié les changements dans l’expression des gènes de 124 patients québécois, dont certains sont décédés au cours de leur hospitalisation.
En regardant les variations du niveau d’ARN messager de près de 1700 gènes, les chercheurs ont cerné ce qu’ils croient être une « signature génétique » de la Covid-19. Il s’agirait plus spécifiquement de plusieurs variations de l’expression de certains gènes – sur-expression ou sous-expression.
« Cela nous a permis de faire des liens entre l’expression et la répression de certains gènes, liées aux « tempêtes » de cytokines – des protéines d’alarme des cellules. Cela nous explique la différence de réponse immunitaire d’un individu à l’autre », soutient le Pr Levesque.
Autrement dit, l’âge et les comorbidités ne sont pas des indices suffisants. Ce qui pousse les chercheurs à penser que de faire du dépistage génétique dès l’admission à l’hôpital pourrait permettre de dépister les patients plus à risque.
En effet, plus tôt on peut prendre en charge un patient à risque, plus on se donne des chances d’atténuer les symptômes les plus graves —chute des battements cardiaques, augmentation de la pression sanguine, les reins qui cessent de fonctionner, le choc septique, etc. Un facteur d’autant plus important que, rappelons-le, il n’existe pas de traitement adapté et efficace aux cas graves de COVID-19.
Et si la justesse de leur dépistage génétique se vérifie, c’est une idée qui pourrait être utilisée en clinique pour « détecter d’autres maladies microbiennes », ajoute Roger Levesque, « de l’infection dû à la salmonelle aux formes graves de l’influenza ».
Des biomarqueurs importants
C’est toutefois encore un peu tôt pour affirmer qu’il s’agit d’une bonne piste pour prédire les complications de la Covid, commente le directeur du Centre d’excellence pour la recherche génétique de l’infection et de l’immunité au Centre universitaire de santé de l’Université McGill (CUSM), Donald Vinh.
Il s’agit de données importantes pour mieux comprendre l’infection au coronavirus. « Ces biomarqueurs sont utiles particulièrement pour avoir les détails physiopathologiques et mieux comprendre la trajectoire du patient. Ce n’est pas la seule étude à s’y pencher et il faudra voir comment transformer cela en test pronostic. Pour l’instant, cela amène surtout plus de questions », soutient celui qui est également directeur de la Biobanque sur la Covid du CUSM.
Il n’y a probablement pas une seule signature, comme le soulignent les auteurs de l’étude, car les réponses varient entre les individus. « Il faut retenir ce qu’elles ont en commun – inflammation immunitaire, changement de la coagulation, dérangement du cholestérol, etc. – pour dégager de nouvelles pistes d’investigation. Ces 1700 expressions génétiques sont autant de morceaux d’un casse-tête qu’il faut lier pour avoir une meilleure image », note encore le Pr Vinh.
Ce qui l’a particulièrement intéressé dans l’étude, c’est l’intérêt des auteurs pour les tissus non cellulaires, une voie inhabituelle. « On le voit, la réponse des tissus n’est pas fixe. Les cellules souches peuvent se reprogrammer, ce qui est fascinant. »