Trois moments distincts dans Reckless Underdog, cette nouvelle création de Victor Quijada par sa compagnie de danse contemporaine Rubberband; trois temps qui offrent une revue de la danse actuelle dans ses moments les plus forts.
Sur les compositions de grands musiciens montréalais (Chilly Gonzales, Kid Koala, Vlooper, Jasper Gahunia), un peu comme une histoire de la discipline, le chorégraphe et ses 12 merveilleux danseurs nous transportent dans trois univers particuliers, mais qui peuvent évoquer une certaine évolution dans les comportements humains.
Sur la note continue et grave de ce qui ressemble à des violoncelles, le rideau se lève et découvre neuf danseurs, hommes et femmes, vêtus de tenues ajustées qui vont progressivement du presque blanc au noir. La scène est transformée en un immense caisson tendu de soie blanche mais éclairé par un alignement de projecteurs qui diffusent des couleurs allant du rouge au rose pâle. Les tableaux sont magnifiques par les assortiments de tonalités, le choix des musiques et surtout les mouvements des artistes.
Ça n’est pas exactement de la danse classique, mais ça y ressemble.
Dans des chorégraphies coordonnées, ils pratiquent une sorte d’effet domino où les mouvements des uns se transmettent à d’autres, avec un léger décalage. Trois trios apparaissent, puis ce sont des duos avec une danseuse en leur centre. Les mouvements sont très doux, élégants, parfois acrobatiques et pourtant l’impression qu’il s’agit de gestes du quotidien ressort de l’ensemble. La musique est romantique, par moments mystérieuse ou parfois saccadée. Les pas sont légers et feutrés, le chorégraphe nous fait entendre leur silence.
Puis, un danseur torse nu apparait sur la scène qui semble étonner les autres artistes. Ces derniers s’éclipsent et on assiste à la déconstruction du caisson blanc pour laisser place à une scène entièrement obscure, seulement éclairée par un bouquet de projecteurs dont la lumière s’abat sur celui qui reste. Cette introduction au deuxième moment laisse ensuite la place à 12 danseurs et danseuses, tous vêtus de pantalons et de hauts très simples dans les tons de bleu, sorte de tenues de villes pour des chorégraphies plus contemporaines dans un univers sombre et inquiétant. Toujours très réussis dans les jeux de couleur, les tableaux proposent des effets kaléidoscopiques très bien organisés. Ou encore les artistes font corps et semblent, dans un effort de solidarités, souhaiter retenir l’un d’entre eux qui voudrait quitter le groupe et serait mis en danger.
Au troisième et dernier moment du ballet, dans un décor quasi high tech, les artistes apparaissent revêtus des tenues amples des danseurs de street dance. Le corps que composent les 12 artistes, s’il se défait parfois, semble encore plus compact et ne former qu’un seul danseur aux multiples membres. La chorégraphie est finement réglée et organisée pour autoriser des contacts aussi proches et précis. Les danseurs forment un groupe assez compact mis à part des démonstrations solitaires, mais le souci vis-à-vis des uns ou des autres comme dans le deuxième tableau n’apparait plus. Toujours pleine de douceurs, les artistes interreliés semblent se mouvoir au ralenti.
Quel message le chorégraphe a-t-il voulu suggérer par cette succession de tableaux? C’est à chacun des spectateurs de l’imaginer. Si à l’intérieur de chacun il est presque impossible de se livrer à quelque interprétation narrative que ce soit, la composition générale en trois temps est sans aucun doute une ouverture à la réflexion.
Danse Danse
Compagnie Rubberband
Reckless Underdog par Victor Quijada
Du 12 au 15 avril 2023 au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, à Montréal