Est-ce que l’activité sur les médias sociaux d’extrême droite peut mener à l’insurrection et à la violence? Des chercheurs des Université de Yale, de l’Utah et de l’Arkansas jugent que certaines plateformes numériques peuvent bel et bien pousser à des activités politiques extrêmes contre les autorités.
Selon ce qu’écrivent ces spécialistes, qui publient leurs conclusions dans le magazine spécialisé The American Sociological Review, avec l’émergence et la popularité persistante de réseaux d’extrême droite comme Gab, Parler et Truth Social, il est important de comprendre leur impact sur la société et la politique, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs.
Toujours au dire des chercheurs, de précédents travaux sur la relation entre l’utilisation des médias sociaux et les comportements « sur le terrain » ont mené à des conclusions imprécises. Si certaines études ont permis de déterminer que les médias sociaux influençaient les attitudes sociales, d’autres soutiennent plutôt que l’utilisation des plateformes numériques avait peu d’effet sur les opinions et les comportements des utilisateurs.
Pour les besoins de leurs travaux, les chercheurs définissent les médias sociaux d’extrême droite comme quelque chose de similaire aux réseaux sociaux alternatifs, mais avec des distinctions importantes. Les réseaux sociaux alternatifs se définissent comme étant en opposition aux grandes plateformes, habituellement en offrant des structures de gouvernance ou des règles de modération différentes.
Par exemple, Ello, Gab et Mastodon entrent dans cette catégorie. Les réseaux d’extrême droite, eux, partagent ces caractéristiques fondamentales, mais possèdent aussi deux aspects qui les placent à part.
Tout d’abord, leur contenu est principalement politiquement conservateur, souvent selon une perspective particulièrement rigide, sans possibilité de compromis. Ensuite, contrairement aux réseaux alternatifs qui ont, du moins au départ, résisté aux opportunités financières, les plateformes d’extrême droite sont généralement à la recherche de profits, notamment en vendant de la publicité, en faisant payer leur membership, en offrant des produits financiers, ainsi qu’en promouvant les élites médiatiques et organisations conservatrices affiliées.
En analysant des données provenant de plusieurs sources, les chercheurs ont constaté que l’activité sur les médias sociaux d’extrême droite était bel et bien liée à une augmentation de l’activité violente antigouvernementale aux États-Unis pendant l’année 2020.
Ces résultats indiquent qu’une augmentation de 10 % de l’activité sur ces réseaux, en ligne, permettait de prédire un accroissement de 0,04 % du nombre d’événements violents pendant le mois suivant (par tranche de 100 000 personnes). Cette estimation reflète une tendance nationale, affirment les chercheurs.
De plus, ces spécialistes ont découvert des preuves selon lesquelles les médias sociaux peuvent transformer la perception, par certaines personnes, des normes sociales appropriées, en créant ainsi des « normes erronées ». Les réseaux sociaux d’extrême droite viennent ainsi changer les perceptions des normes sociales des utilisateurs, y compris en donnant l’impression, aux internautes utilisant ces plateformes, qu’il était plus acceptable qu’autrefois de participer à des événements violents liés à l’extrême droite.
« Les plateformes numériques spécifiquement liées à l’extrême droite sont de plus en plus populaires auprès de la droite politique », écrivent les auteurs des travaux, « et attirent des investissements de plusieurs milliards de dollars. Un écosystème de réseaux sociaux extrémistes robuste, bien financé et largement influent aux États-Unis est en voie d’émerger, et nos conclusions offrent un aperçu de leur avenir ».
Pour la suite des choses, estiment les spécialistes, il pourrait être pertinent d’examiner les contenus et l’activité des réseaux sociaux de gauche, et tenter de déterminer si ceux-ci peuvent entraîner des événements similaires. Et même si « les plateformes numériques de gauche ne sont pas en train de quitter les grands réseaux, comme le font les membres de la droite, un isolement de facto pourrait se produire, sur Twitter, Facebook et les autres, alors que les utilisateurs plus conservateurs migrent vers des réseaux de l’extrême droite ».
Abonnez-vous à notre infolettre tentaculaire
Encouragez-nous pour le prix d’un café
À l’occasion du mois de la francophonie, l’équipe de Pieuvre.ca tient à souligner son attachement à la qualité de la langue française. Voilà pourquoi nous utilisons quotidiennement Antidote pour réviser nos textes.