Il n’est jamais facile de toucher à la question du racisme, au théâtre; encore moins lorsque l’on souhaite y ajouter un dose d’humour et éviter les (très nombreux) écueils liés à cette question. Voilà pourtant ce que cherche à accomplir, avec plus ou moins de succès, la pièce Redbone Coonhound, jouée à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier.
Ce titre, qui reprend mot à mot le nom d’une race de chiens, est aussi, nous apprend-on, une double injure à caractère racial. Et c’est justement cette connotation particulièrement négative qui frappe Mike, un homme noir marié à Marissa, une femme blanche. Peu à peu, le couple s’enfoncera dans une discussion particulièrement animée qui englobera leurs amis, alors que tout y passera : les relations raciales entre les Blancs et les Noirs, certes, mais aussi le fait que le meilleur ami de Mike est à la fois Noir et policier, entre autres.
Ajoutez à cela des échanges souvent très vifs sur une certaine hiérarchisation des priorités, à savoir, selon Marissa, que l’indignation de son conjoint à propos de la discrimination est bien plus importante que celle suscitée par le sexisme et la misogynie, et vous obtenez plusieurs scènes où l’on finit par se crier des insultes par la tête.
À mesure que l’on « creuse » ce double sujet, Redbone Coonhound gagne en intensité et en pertinence… On sent peu à peu que l’on se rapproche de quelque chose d’important, de fondamental. Est-ce le fait qu’il existe des nuances, en matière de relations entre les communautés ethniques, voire au sein d’elles-mêmes? Est-ce le fait que s’offusquer constamment, d’un côté comme de l’autre, n’aide en rien au dialogue et à la mise en place de solutions?
Malheureusement, la pièce se rend jusqu’à un point critique, mais ne propose jamais de solution; on se contente plutôt de suggérer, lors de diverses saynètes, qu’il existe effectivement des nuances dans ce débat hautement explosif découlant de siècles de violence et d’oppression, ici comme ailleurs.
Et ces saynètes, souvent rigolotes, sont trop longues pour leur propre bien. À preuve, ce moment où un couple de Blancs, se disant « progressistes » jusqu’au bout des ongles, portant des vêtements africains et ne jurant que par la culture noire, s’offusque qu’un Anglais débarque pour proposer d’épouser leur fille. « Pas les Anglais, les premiers colonisateurs! », s’indigne la mère, en se peinturant presque le front avec de la cendre. La chose aurait pu faire sourire, si elle n’avait duré que quelques minutes, mais c’est environ un quart d’heure que l’on consacrera à cette exagération qui semblait beaucoup faire rire certaines personnes blanches présentes dans le public, mais sans plus.
Ultimement, on aurait aimé que Redbone Coonhound se mouille davantage, prenne des risques, plutôt que de simplement s’approcher tout près du précipice, mais sans oser sauter.
Redbone Coonhound, d’Amy Lee Lavoie et Omari Newton; mise en scène par Micheline Chevrier et Kwaku Okyere; avec Christopher Allen, Kwesi Ameyaw, Lucinda Davis, Brian Dooley, Deborah Drakeford, Jesse Dwyre et Chala Hunter; présentée à la salle Fred-Barry jusqu’au 1er avril
Abonnez-vous à notre infolettre tentaculaire
Encouragez-nous pour le prix d’un café
À l’occasion du mois de la francophonie, l’équipe de Pieuvre.ca tient à souligner son attachement à la qualité de la langue française. Voilà pourquoi nous utilisons quotidiennement Antidote pour réviser nos textes.