Presque toutes les nations du globe rendent criminel le fait d’obtenir une interruption de grossesse dans certaines circonstances, malgré les risques pour la santé publique et les impacts sur les droits de la personne, révèle une étude des pénalités liées à cette procédure en vigueur dans 182 nations récemment publiée dans BMJ Global Health.
Quelque 134 de ces pays pénalisent les personnes cherchant à obtenir un avortement, alors que 181 visent ceux qui fournissent le service, et que 159 punissent aussi ceux qui offrent une aide lors de la procédure, apprend-on dans cet examen.
Les preuves viennent ainsi corroborer l’affirmation selon laquelle la criminalisation de l’avortement n’empêche pas les femmes de décider d’avoir recours à cette procédure; cela réduit ou retarde plutôt l’accès à des avortements sécuritaires et augmente le besoin de se tourner vers des services dangereux et non réglementés, indiquent les chercheurs.
La criminalisation aide aussi à diminuer l’accessibilité des fournisseurs d’avortement formés, ainsi que la disponibilité des connaissances nécessaires au sein du réseau de la santé, ajoutent-ils.
Pour déterminer l’étendue des pénalités criminelles associées à la recherche, à l’offre et à l’aide liée aux procédures d’avortement à travers le monde, les chercheurs se sont tournés vers des données recueillies en lien avec la Global Abortion Policies Database, qui couvre les États membres des Nations unies.
Neuf pays ont été exclus de cette étude en raison de différences intranationales en matière d’avortement, soit le Nigeria, la Bosnie, le Royaume-Uni, le Mexique, les États-Unis, l’Australie, la Chine, la Suisse et le Canada.
L’analyse des données indique que dans 163 pays, la définition des crimes et des pénalités liés à l’avortement est contenue dans le Code pénal général. Dans 12 pays, cette définition se trouve plutôt au sein de lois spécifiques portant sur l’avortement; dans 8 autres, elle est contenue dans d’autres sources juridiques, comme les codes en matière de santé publique, les lois sur la santé reproductive, ainsi que les lois à propos des enfants.
Dans 11 pays, l’avortement est entièrement criminalisé et interdit dans toute circonstance, mais la procédure est criminalisée sous certaines conditions dans la plupart des autres nations.
Les pénalités pouvant être imposées aux personnes trouvées coupables de crimes liés à l’avortement sont vastes, bien que les amendes et les peines d’emprisonnement soient les punitions les plus répandues.
Dans 91 pays, la pénalité maximale pour les personnes cherchant à obtenir une interruption de grossesse est de 5 ans d’emprisonnement pour un avortement consensuel, sans aucun facteur aggravant. Dans 25 nations, cette pénalité maximale varie entre 5 et 10 ans de prison, et oscille entre 10 ans de réclusion et la prison à vie en Guinée équatoriale et en Zambie. La prison à vie est aussi imposée aux personnes cherchant à se faire avorter sur les îles Kiribati et Salomon, à Tuvalu, à la Barbade, au Bélize, ainsi qu’en Jamaïque.
Enfin, 48 pays choisissent plutôt d’imposer une amende.
Des peines pour les travailleurs de la santé
En plus des femmes enceintes qui peuvent être pénalisées, les travailleurs de la santé – médecins et infirmières – peuvent aussi se retrouver dans le collimateur de la justice de plusieurs pays.
Ainsi, 76 pays imposent des amendes aux médecins qui effectuent la procédure. Quelque 48 autres se tournent plutôt vers les sanctions professionnelles, ce qui comprend la saisie d’équipement, les licenciements, la fermeture d’établissements de santé, les mises en garde officielles, la suspension du permis d’exercer ou des qualifications, ou encore l’interdiction totale de pratiquer la médecine ou d’occuper certains postes.
Et pour les gens qui aident ces médecins, ils risquent entre 5 à 10 années de prison dans 16 pays, mais de 10 ans de réclusion à la prison à vie dans des nations comme le Bénin, la République démocratique du Congo, l’Irlande, ou encore la Guinée équatoriale.
Par ailleurs, 34 pays restreignent la dissémination d’informations à propos de l’avortement et des services d’interruption de grossesse, même quand la procédure est légale dans certaines circonstances.
« La grande ampleur des pénalités ciblant les personnes impliquées dans des procédures d’avortement, en fonction de l’endroit où vous vous trouvez, vient soutenir l’argument voulant que les dispositions criminalisant l’avortement soient arbitraires », soutiennent les chercheurs.
De plus, disent-ils, « réglementer l’avortement via les mêmes instruments juridiques, et les mêmes structures judiciaires, que le meurtre, les agressions sexuelles et le vol pourrait exacerber les craintes liées au fait de chercher et d’offrir des avortements lorsque ceux-ci sont criminalisés ».
« Des études effectuées dans des pays où l’avortement a été entièrement ou partiellement décriminalisé ont aussi permis de noter plusieurs avantages pour les personnes cherchant à se faire avorter, notamment un accès à de meilleurs soins, des taux de mortalité maternelle moindres, ainsi que l’obtention d’un niveau d’éducation plus élevé, de carrières plus abouties et de revenus plus importants », mentionnent encore les spécialistes.
« Les lois internationales en matière de droits de la personne exigent des pays qu’ils adoptent des mesures visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles », notent ces derniers, avant d’affirmer que leurs conclusions « viennent solidifier la thèse en faveur de la décriminalisation ».
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