LecturesB, collaboration spéciale
Marc Desaubliaux est un auteur français et plus précisément parisien. Il a lancé sa carrière dans la littérature alors qu’il n’avait que vingt-six ans. Ce Journal du désespoir est paru en 1979 et présente un jeune héros de 16 ans. Charles-Henri est un riche bourgeois, né dans une famille respectée. Pourtant, la réalité est bien différente : derrière cette image de clan privilégié, les non-dits et les secrets fleurissent.
C’est exactement dans la même lignée que s’inscrit le roman dramatique Marceline ou le monde des autres. Tout débute par un cambriolage, dans une demeure appartenant à l’ancienne famille Frémy. Pour cette famille très aisée et bien installée à Rougemont depuis le dix-septième siècle, la vie semble rêvée. Après tout, Jean-Patrick et France ont deux fils : Henri et Paul, et ils vivent dans le luxe. Mais ces chrétiens suscitent bien des convoitises. Au-delà des apparences trompeuses, l’épouse boit et s’enfuit du domicile. Les garçons connaissent une adolescence mouvementée. Quant au père, il commence à s’intéresser à un sombre secret venu du passé et qui pèse au-dessus de sa tête, telle l’épée de Damoclès.
Parfois, il existe des choses qu’il ne vaut mieux pas apprendre. Et pourtant, nier leur poids ne les efface pas pour autant… De son côté, Marceline vit aux Béguines, dans un quartier populaire. Le clan Fraisse est à l’opposé des Frémy. Ils habitent dans une cité, communiquent avec un langage grossier et ne supportent pas les bourgeois. Mais Marceline ne correspond pas exactement au cliché de la petite racaille. En fait, la jeune héroïne aime se rendre à la bibliothèque. Ses résultats à l’école sont satisfaisants, mais cela agace profondément la mère, qui préfèrerait que Marceline ramène de l’argent à la maison. Livrée à elle-même, Marceline commet des bêtises. Et puis cette famille Frémy l’intéresse vraiment.
Cependant, elle ne s’attendait certainement pas à ce que ses parents soient aussi virulents vis-à-vis d’eux. Pourquoi les détestent-ils à ce point ? Quelque chose doit pouvoir expliquer cette rage, qui est bien née quelque part. Marc Desaubliaux fait le choix original d’intégrer des passages qui ressemblent à un journal intime, avec des dates précises.
Une touche d’histoire
Certaines lettres datant de la Seconde Guerre mondiale sont contenues dans le livre; ces témoignages donnent du crédit à cette histoire, lui conférant un aspect d’archive. Comme si ce que le lecteur découvrait était une histoire vraie. Après tout, le discours de l’auteur concerne le monde réel. Dans le village de Rougemont, tout le monde se connaît, mais les gens ne se connectent pas. C’est comme une fatalité : les pauvres restent entre eux, les riches aussi. Entre les deux, la communication semble compromise. En cause? Le mépris de classe. Finalement, l’époque moderne n’est pas si différente des siècles précédents. Les avancées sociales ne sont pas encore suffisamment puissantes et violentes pour assurer un meilleur mélange et une cohésion.
Dans ce système où Marceline cherche à se rapprocher au mieux de cet univers qui n’est pas le sien, celle-ci pourrait trouver un refuge certain dans les bras de Jean-Patrick Frémy. Au regard des autres, il a réussi dans la vie. Assise au premier rang à l’église, sa famille est respectée et reconnue. Pourtant, malgré cette étiquette très valorisante, la réalité derrière cette façade est plus délicate. Mensonges, manipulation, regrets et secrets honteux et inavouables composent l’envers du décor. Il se pourrait bien que la famille Fraisse et Frémy soit en réalité liée par quelque chose… Un élément central de l’intrigue, qui fait froid dans le dos.
Le fossé entre les inégalités se creuse. En cause, la mondialisation, la gestion de la politique, la suprématie capitaliste. Il existe tant de facteurs qui expliquent le paysage social. Mais pour aborder ce sujet « touchy », Marc Desaubliaux a choisi de traiter cette rivalité autrement, en mettant davantage l’accent sur le secret.
En réalité, le fait de cacher et de garder pour soi des réalités n’améliore aucunement les situations problématiques. Au contraire, le mensonge ne transforme pas la réalité. En cachant l’alcoolisme de France à ses fils, Jean-Patrick reproduit un schéma toxique. Après tout, ils ne sont pas bêtes. Et puis, les enfants qui jouent des rôles de parfaits petits anges incarnent parfois des créatures proches des démons. Lorsque la vérité éclate, la réaction des personnages n’est pas toujours identique. Cela permet aussi d’exploiter la richesse de l’humain, en manipulant ses émotions et ses peurs.
Dans ce remue-ménage, le lecteur subit la tempête. Une lecture intense et passionnante, qui révèle des thématiques osées, qui ne demandent qu’à être pleinement traitées. Dans le paysage littéraire actuel, Marc Desaubliaux décide de décortiquer des personnages réels, tangibles et qui suscitent un intérêt évident. Marceline ou le monde des autres est ainsi un livre dense et puissant, qui cache des messages subtils.
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