De nouveaux travaux de recherche indiquent qu’un petit pourcentage de propriétaires liés au monde de la finance, comme les firmes d’investissement et les investisseurs institutionnels, possèdent quatre fois plus de logements locatifs, à Montréal, que ce qui était auparavant estimé.
Au dire des chercheurs, les quartiers de la métropole où se concentrent ces propriétaires financiers vivent davantage de tensions liées à la crise du logement.
Dans le cadre de la première analyse en profondeur du genre pour une ville nord-américaine, des chercheurs des Universités de Waterloo et McGill ont développé une nouvelle méthode permettant d’identifier les réseaux de propriétés qui se trouvent derrière des compagnies à numéro anonymes, afin d’établir l’ampleur des parcs locatifs appartenant à ces propriétaires financiers.
Montréal a longtemps été connue comme étant favorable aux locataires, avec des loyers bas, un grand nombre de logements disponibles, ainsi que des droits des locataires particulièrement importants, mais les chercheurs ont découvert que les propriétaires financiers sont en voie de prendre le contrôle du marché locatif.
« Nous avons constaté que ces propriétaires possèdent pratiquement le huitième des logements montréalais », a indiqué Cloé St-Hilaire, étudiante au doctorat de la School of Planning de l’Université de Waterloo. « Dans les quartiers centraux, comme Ville-Marie et le Plateau-Mont-Royal, leur part de marché est encore plus grande. »
De précédents travaux ont permis de lié les propriétaires financiers à la gentrification, au déplacement des anciens locataires, à des hausses de loyer agressives, ainsi qu’à des méthodes favorisant les évictions. Mais si cette tendance dans le marché locatif est de plus en plus reconnue, la recherche dans ce domaine est limitée en raison du manque de données accessibles et de l’opacité des structures corporatives se cachant derrière plusieurs couches de compagnies à numéro pour chacune de leurs propriétés, affirment les chercheurs.
Ces derniers disent avoir surmonté cet obstacle en combinant les données de recensement avec quatre sources de données publiques, mais difficilement accessibles : les données de la Ville de Montréal sur les propriétés immobilières, les informations du registraire des entreprises du Québec, ainsi que les publicités de propriétés locatives sur les plateformes Craigslist et Kijiji.
« Nous avons constaté qu’il existe deux groupes qui sont le plus exposés aux propriétaires financiers : l’un formé des gens précaires et racialisés, ainsi que les étudiants; l’autre est un groupe plus riche se trouvant dans de nouvelles unités locatives », a mentionné Mme St-Hilaire.
« Les impacts sur ces groupes sont bien réels, et nos travaux de recherche démontrent la contradiction entre les attentes des profits, chez les propriétaires, et l’utilité primaire des logements, qui est d’offrir un abri pour répondre à ce besoin humain fondamental. »
L’étude souligne la nécessité de disposer de données accessibles et transparentes pour comprendre le secteur locatif, planifier le développement urbain, et protéger les locataires. Pour la suite des choses, les chercheurs espèrent que leur méthode d’étude pourra être adaptée à d’autres villes nord-américaines.
« La poursuite des travaux dans ce domaine aidera à identifier des tendances locales et globales, en matière de propriété financière, et offrir des informations et des outils aux décideurs, planificateurs et défenseurs des droits des locataires pour mieux réglementer les marchés locatifs », affirme Martine August, professeure associée à la School of Planning. « Cependant, il importe que les gouvernements rendent accessibles les informations sur les propriétés locatives pour faciliter la surveillance de l’utilisation des zones résidentielles. »
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