Les relations tendues entre un enfant et ses parents n’ont rien de nouveau; ne se plaignait-on pas, dans l’Égypte ancienne, que les jeunes ne respectaient plus leurs aînés? Mais dans Le traitement de la nuit, une pièce d’Evelyne de la Chenelière mise en scène par Denis Marleau, cette adéquation entre la réalité des uns et des autres est poussée à son paroxysme, généralement sous le couvert de l’obscurité.
Chez Bernard et Viviane, dans un domicile que l’on imagine gigantesque, sis sur un domaine tout aussi grand, tout semble aller pour le mieux. Bon, il y a bien Léna, la fille du couple, qui cumule les fugues, mais elle finit toujours par revenir, et tout est bien qui finit bien… jusqu’à la prochaine fois. Il y a aussi Viviane, qui s’endort une fois la nuit tombée, et Bernard qui, incapable de s’endormir, part effectuer de longues promenades en voiture sur les chemins déserts.
La façade de la bonne entente, du farniente, n’est donc que cela : une façade, une illusion. Et face à une Léna qui présente une vision des choses tout à fait opposée à celle de ses parents, on comprend qu’entre la perspective sombre et autodestructrice de l’enfant et celle de ses parents, teintée d’un rose si artificiel qu’il en fait mal aux yeux, la vérité doit se trouver quelque part entre les deux.
Mais nous ne sommes pas ici à la recherche de la vérité; nous espérons plutôt un télescopage, un carambolage, l’explosion (ou l’implosion) de ce mensonge. Et tout cela, sans grande surprise, finira par se produire, même si les détails seront laissés au soin des spectateurs bien installés dans leur fauteuil.
Au premier (et même au second) regard, tout fonctionne, dans ce Traitement de la nuit : les comédiens sont bons; les répliques sont soit drôles, soit assassines, soit les deux; la scène de l’Espace Go est parfaitement bien utilisée… Mais quelque chose cloche.
Et ce quelque chose, c’est peut-être le fait que la structure de cette oeuvre est convenue. Il n’y a rien de mal à jouer dans son propre pré carré, en quelque sorte, mais sans véritable surprise, sans retournement de situation, sans moment où l’on chamboule nos attentes, Le traitement de la nuit est une bonne pièce, mais sans le petit quelque chose en plus qui en ferait une grande pièce. La faute, peut-être, au fait que l’on confie toujours le même rôle de femme névrosée à Anne-Marie Cadieux? Pas qu’il y ait nécessairement quelque chose de mal à cela, mais là encore, la chose est convenue.
Le traitement de la nuit, d’Evelyne de la Chenelière; mise en scène de Denis Marleau; avec Anne-Marie Cadieux, Henri Chassé, Lyndz Dantiste et Marie-Pier Labrecque; à l’Espace Go jusqu’au 2 avril
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