Des sommes d’argent astronomiques aux superyachts, en pasant par les villas de luxe, les biens des oligarques russes offrant un appui politique et financier à l’armée russe et au président Vladimir Poutine ont fait l’objet de saisies très médiatisées par les pays occidentaux depuis le début de la guerre en Ukraine. Une nouvelle étude du Dartmouth College propose maintenant de s’en prendre plutôt aux gestionnaires financiers, histoire d’avoir un impact marqué sur l’appareil économico-politique entourant le Kremlin.
En effet, un an après le début de l’invasion de l’Ukraine par le Kremlin, certaines de ces élites ont contesté les sanctions en cour, quand elles ne les ont pas simplement ignorées ou contournées.
Au dire des chercheurs de Dartmouth, s’attaquer aux experts en finances serait ainsi la « botte secrète » contre ces élites qui financent l’effort de guerre de Moscou. Et pour parvenir à ces conclusions, les spécialistes s’appuient sur des documents rendus publics pour vérifier les conclusions d’une étude sociologique portant sur les gestionnaires de comptes offshore qui protègent les fortunes des milliardaires.
Selon les résultats obtenus, des sanctions visant ces spécialistes tapis dans l’ombre auraient un impact bien plus important que le fait de cibler les oligarques un par un.
« Plutôt que de courir après chaque oligarque, vous empêchez un gestionnaire d’agir et vous réussissez, d’un coup, à bloquer plusieurs élites », soutient Brooke Harrington, coautrice de l’étude et professeure de sociologie à Dartmouth qui a lancé l’étude après avoir passé huit ans en formation pour devenir gestionnaire de fonds privés, en plus de visiter des paradis fiscaux afin d’observer les techniques de gestion sur place.
Les chercheurs ont ainsi établi les connexions entre plus de 1,9 million de gestionnaires de fonds et leurs clients originaires de Russie, de Chine, des États-Unis et de Hong Kong, en plus de tracer les plus de 3,2 millions de liens qui unissent tous ces gens.
Pour parvenir à leurs fins, les spécialistes se sont tournés vers une base de données portant sur les fuites liées au milieu de la finance, base de données qui est alimentée par le Consortium international des journalistes d’enquête, et qui identifie les professionnels de la gestion de fonds et les ultrariches dont l’existence a été mise au jour dans le cadre de fuites telles que les Panama Papers, en 2016; les Paradise Papers, en 2017; ainsi que les Pandora Papers, en 2021.
Des expériences mathématiques pour tenter d’« assommer » des élites ont révélé que ces réseaux financiers peuvent être poussés vers l’effondrement en bloquant les gestes de quelques joueurs essentiels, soutiennent les chercheurs.
Ces derniers ont aussi constaté que les riches provenant de nations autocratiques, comme la Russie, tendent à s’appuyer sur un plus petit nombre de gestionnaires, qui possèdent des listes réduites de clients pour en garantir l’anonymat. En combinant cela à la concentration de ces gestionnaires au Royaume-Uni et dans l’Union européenne, cela fait en sorte que la richesse offshore des oligarques russes serait très exposée à des sanctions ciblant les experts en finance.
« Les connaissances des gestionnaires et de ce qu’ils font en sont à leur début, lorsque l’on parle de politiques publiques. Pour mettre fin à l’invasion, il est urgent d’imposer des sanctions qui s’appuient sur des preuves systématiques de la structure des biens qui soutiennent la campagne militaire russe – et notre étude fournit ces preuves », mentionne la Pre Harrington.
« Pour offrir une analogie militaire, nous fournissons un système de guidage de missiles financiers pour les pays qui tentent de stopper la guerre en Ukraine », a-t-elle ajouté. « Une utilisation plus ciblée des sanctions d’État signifie une guerre plus courte et moins de morts. »
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