Si l’émergence des armes à propulsion mécanique, durant la préhistoire, est généralement perçue comme l’un des points tournants de la progression des populations humaines sur le continent européen, l’existence de l’arc et des flèches y a toujours été difficile à retracer. Selon une nouvelle étude de l’Université du Connecticut, cependant, il est maintenant possible d’affirmer que cette technologie a fait son apparition il y a environ 54 000 sur le Vieux Continent.
Ce faisant, disent les chercheurs, il est maintenant possible d’apporter un nouvel éclairage à cette période floue entre les armes lancées par un moyen de propulsion et l’apparition de l’arc.
Pour compliquer les choses, cette technologie militaire est essentiellement basée sur l’utilisation de matériaux périssables : du bois, des fibres, du cuir, des résines et des nerfs, qui sont rarement préservés sur les sites archéologiques du Paléolithique européen. Difficile, alors, de reconnaître les traces de cette arme; les spécialistes doivent plutôt se tourner vers les silex pour déterminer les preuves de cette technologie.
En fonction de l’analyse de ces armatures de pierre, la reconnaissance de l’existence des arcs est bien documentée en Afrique, pour une période remontant jusqu’à 70 000 ans. Certains morceaux de silex ou des armatures en bois de cerf suggèrent l’existence du tir à l’arc lors des premières phases du Paléolithique supérieur en Europe, il y a plus de 35 000 ans, mais la morphologie et les techniques de fabrication de ces anciennes armatures d’arcs ne permettent pas d’établir un lien avec un mode distinct de propulsion des munitions, ce qui rend l’existence du tir à l’arc, durant le Paléolithique en Europe, presque invisible.
De fait, rappellent les chercheurs, la preuve de l’existence du tir à l’arc durant le Paléolithique n’a été établie que sur la base de la découverte d’arcs et de flèches dans des marais du nord de l’Europe, notamment en Allemagne, avec une date d’origine avoisinant les 10 000 à 12 000 ans avant notre ère.
Le silex, la pierre angulaire de la découverte
Les données provenant de la grotte Mandrin, en France, qui sont présentées dans Science Advances, viennent enrichir le savoir à propos de ces technologies en Europe, et permet désormais aux chercheurs de repousser l’apparition du tir à l’arc de plus de 40 000 ans, sur ce continent, lit-on dans l’étude.
Les travaux s’appuient sur l’analyse de milliers d’artefacts de silex provenant du même niveau de sol dans la grotte qui, en février 2022, a révélé les plus anciens sites d’occupation humaine en Europe. Cette couche très riche indique que l’occupation du territoire par l’Homo sapiens remonte au 54e millénaire avant notre ère et s’insère, en quelques sorte, entre plusieurs occupations des Hommes de Néandertal dans cette grotte, avant et après les installations des humains contemporains.
L’excavation des phases d’occupation humaine a révélé l’existence de pas moins de 1500 pointes en silex. Leur analyse révèle qu’un grand nombre d’entre elles ont servi d’armature pour des flèches tirées par des arcs. Leur petite taille et leur poids réduit excluent toute autre forme de propulsion balistique pour ces très petites armes.
Cette étude permet aussi de démontrer que les Hommes de Néandertal, qui vivaient à la même époque que les humains ayant occupé la grotte à cette période précise, n’ont pas conçu des armes à propulsion mécanique, comme l’arc ou d’autres lanceurs, et ont plutôt continué d’utiliser leurs armes traditionnelles s’appuyant sur l’utilisation de pointes aux allures de lance qui étaient brandies ou lancées à la main, nécessitant du même coup de se trouver à proximité des proies.
Les traditions et les technologies maîtrisées par ces deux populations étaient donc profondément distinctes, affirment les chercheurs, ce qui illustre l’avantage technologique important des populations contemporaines lors de leur expansion sur le continent européen.