Le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué une escalade d’un conflit en cours depuis 2014, avec des effets dévastateurs en termes de coûts humains sur le terrain, mais aussi à l’international. Au-delà de la réaction initiale des marchés boursiers, une nouvelle étude publiée par des têtes d’affiche en matière de finances au Royaume-Uni indique que l’économie mondiale écope encore des effets de la guerre, un an plus tard.
Les spécialistes ont utilisé une série de modèles statistiques pour comparer les effets économiques du conflit avec ceux de la pandémie de COVID-19, ainsi qu’avec ceux de la crise financière mondiale de 2008. Si les preuves existantes ont révélé l’impact des sanctions, qui varient en fonction des pays et des industries, les nouveaux travaux offrent une vue plus large de la stabilité des marchés financiers à l’échelle mondiale.
Dans l’ensemble, l’étude a permis d’établir que les marchés financiers et ceux des commodités ont réagi bien plus rapidement à l’invasion russe qu’à la pandémie ou à la crise de 2018, lorsque l’on a constaté un délai pouvant aller jusqu’à une semaine avant que les investisseurs ne réagissent. Au dire des chercheurs, cela est la preuve que l’invasion a immédiatement été perçue comme une situation grave sur la scène financière mondiale.
Cependant, l’intensité de la réponse des marchés, face au déclenchement du conflit, a été moins intense que pour la COVID ou la crise de 2008; au dire des auteurs des travaux, cela s’explique par l’idée que la guerre ne durerait pas très longtemps. De précédentes situations militaires, après tout, avaient été très différentes, en impliquant principalement des attaques terroristes sans suite, loin du continent européen, sans sanctions à grande portée. Les investisseurs pourraient ainsi avoir développé un faux sentiment de sécurité, en comparant ces événements avec la guerre en Ukraine.
À court terme, les chercheurs s’attendent à ce que la guerre restreigne la croissance économique et augmente l’inflation. À l’échelle mondiale, le PIB ne devrait progresser que de 2,25 % en 2023, de 0,5 % aux États-Unis, et de 0,25 % dans la zone euro, soit bien en deçà des prévisions datant d’avant la guerre. La pression inflationniste mondiale qui prenait de l’ampleur depuis la pandémie a aussi été accélérée par l’impact de la guerre sur les prix de l’énergie et de la nourriture.
À plus long terme, les auteurs de l’étude mettent en garde contre le fait que l’impact macroéconomique de la guerre pourrait faire plonger les économies mondiales en récession, à moins que les bonnes politiques publiques soient mises en place rapidement. Des inquiétudes à propos de la sécurité et l’abordabilité énergétique pourraient supplanter la récente volonté de se tourner vers l’efficacité énergétique et la réduction des émissions polluantes, ce qui viendrait torpiller les démarches pour lutter contre la crise climatique et atteindre la carboneutralité en 2050.
De leur côté, les prix des aliments, la diminution de la production et les bouleversements commerciaux représentent eux aussi des risques majeurs à notre société mondialisée contemporaine.
Selon l’un des auteurs des travaux, « l’étude démontre la nécessité de créer des liens plus solides entre les relations internationales et la finance. Les marchés financiers ne s’attendaient pas à l’invasion russe de l’Ukraine, pas plus qu’ils ne prévoyaient que la guerre soit quelque chose qui se prolonge, avec des répercussions si vastes que même un an plus tard, nous n’en saisissons pas encore tout la portée ».
« Les études se poursuivent pendant que la guerre suit son cours, mais cela pourrait bien être le pire choc à l’économie mondiale depuis la crise de 2008, allant même au-delà de l’effet de la pandémie. Il faut encore voir quels seront les gestes qui seront posés pour éviter une récession mondiale. »