Des tweets publiés par des personnalités publiques ont probablement contribué de plus en plus à forger l’opinion négative de la population à propos de la pandémie de COVID-19 alors que celle-ci prenait de l’ampleur aux États-Unis, selon une analyse récemment publiée dans le magazine spécialisé BMJ Health & Care Informatics.
De façon plus précise, les publications partagées par des politiciens et des journalistes semblent avoir eu le plus d’influence, indiquent les résultats de l’enquête.
Au dire des chercheurs, une meilleure analyse de l’activité sur les médias sociaux pourrait aider les responsables et les décideurs politiques à mieux combattre la désinformation sur les réseaux sociaux, ainsi qu’à renforcer les efforts en matière de prévention et de contrôle, non seulement pour la COVID-19, mais aussi pour les futures maladies.
Les spécialistes ont constaté que la population s’est de plus en plus tournée vers les réseaux sociaux pour partager sentiments et perspectives à propos des impacts de la COVID; plusieurs études ont par ailleurs démontré l’aspect négatif du comportement des célébrités et de leurs messages en lien avec des enjeux de santé publique.
Les chercheurs souhaitaient ainsi déterminer s’il existait un lien entre les messages partagés par les athlètes, les politiciens, les journalistes et les vedettes du monde du divertissement à propos de la COVID-19, et l’opinion publique quant aux vaccins contre cette maladie.
Au total, environ 13 millions de tweets publiés entre le 1er janvier 2020 et le 1er mars 2022 ont été récoltés; pour chaque message, des outils basés sur un modèle de traitement du langage ont été employés pour calculer les sentiments exprimés.
Les résultats ont ensuite été comparés avec des tweets à propos de la COVID-19 qui faisaient aussi état de sceptiques à propos de la vaccination contre cette maladie, et ce dans diverses sphères de la vie publique.
Parmi ces « sceptiques », on trouvait ainsi le commentateur Joe Rogan, le chroniqueur de Fox News Tucker Carlson, la rappeuse Nicki Minaj, le joueur de football Aaron Rodgers, le joueur de tennis Novak Djokovic, le républicain Rand Paul, Donald Trump (alors président des États-Unis), Ted Cruz (lui aussi politicien républicain), ainsi que le gouverneur de la Floride Ron DeSantis (également républicain).
L’analyse finale a porté sur 45 255 tweets publiés par 34 507 personnes.
Les conclusions portent à croire que malgré l’existence de petites différences entre les divers groupes de sceptiques à propos de la vaccination, un ton largement négatif s’est dégagé de l’ensemble.
De plus, le contenu émotionnel partagé par ces célébrités à propos de la vaccination, pendant les deux premières années de la pandémie, a influencé l’opinion publique et largement stimulé le discours public en ligne, disent les chercheurs.
Les politiciens étaient d’ailleurs parmi les plus influents, aux yeux du public.
« La portée, les réactions et l’engagement par le public à ces publications effectuées en ligne par les politiciens étaient indicateurs d’un fort niveau d’influence, ce qui porte à croire que les politiciens jouent un rôle important lorsqu’il est question de protéger la santé de la population, et que ceux-ci devraient s’engager à favoriser les comportements visant la protection de la santé publique, plutôt que de partager des mensonges », écrivent les chercheurs.
Des messages largement négatifs
Bien que le sentiment à propos de la vaccination, en lien avec les journalistes, ait changé durant la période examinée, dans l’ensemble, les points de vue étaient davantage négatifs que positifs. Et les tweets faisant référence à ces personnalités des médias tendaient à être associés avec les conspirationnistes antivaccins, ou avec des décès, plutôt qu’avec des nouvelles concernant la mise au point de remèdes.
« Comme nous l’avons démontré, les messages partagés par les membres influents d’une société peuvent avoir des effets considérables sur la direction des émotions du public et les décisions en matière de santé publique », écrivent les chercheurs.
« La menace du partage de la désinformation par les personnes influentes vient saper les programmes soutenant des mesures essentielles pour protéger la population, comme la vaccination. »
Les auteurs de l’étude jugent que les organisations en santé publique ont leur rôle à jouer pour contrer ce phénomène, y compris en travaillant avec les personnalités publiques pour partager des messages plus positifs à propos de la vaccination.
Il existe toutefois, reconnaissent les spécialistes, des limites aux conclusions des travaux, y compris les difficultés bien connues à propos de l’interprétation du ton du langage écrit, ainsi que le petit nombre de célébrités incluses dans l’analyse.
Les experts concluent toutefois qu’« à mesure que la pandémie progressait, l’opinion publique partagée sur les réseaux sociaux a été modelée en fonction de la perception du risque, des idéologies politiques et des comportements en matière de protection de la santé partagés par les célébrités ».
« Le risque de résultats particulièrement négatifs en matière de santé publique augmente avec le refus de respecter les recommandations effectuées par les responsables de la santé publique, comme la vaccination, et nos conclusions portent à croire que les messages polarisants transmis par les élites de la société pourraient faire croire que ces risques sont moindres, contribuant du même coup à une forte dissémination de la maladie. »