Il se produit plus de 1000 déraillements de trains par année aux États-Unis. Si la grande majorité ne sont pas aussi dramatiques que celui qui fait les manchettes depuis plus de deux semaines en Ohio, ils posent la question de la sécurité des transports de matières dangereuses par train, comme s’en rappellent douloureusement les habitants de Lac-Mégantic, au Québec.
Le 3 février dernier, plus de 30 wagons d’un train de la compagnie Norfolk Southern déraillaient, forçant l’évacuation de 2000 des habitants du village voisin de East Palestine en raison du contenu de certains de ces wagons : du chlorure de vinyle, un gaz toxique inflammable. Les autorités ont ensuite choisi de provoquer un incendie contrôlé, dans le but de limiter les risques d’explosion, créant pendant des jours un panache d’une épaisse fumée noire, et des inquiétudes sur les risques pour l’environnement et la santé.
Mais la véritable nouvelle pourrait ne pas être dans les dégâts environnementaux de cet accident, mais dans l’accumulation des accidents. Ce sont pas moins de 1080 déraillements que recensait, en 2021, le Bureau des transports des États-Unis. Certes, seule une minorité résulte en des blessés : 118 cette année-là, et 8 décès. Et seul un petit nombre impliquait la présence de produits dangereux, rapporte PolitiFact.
Mais avec plus d’un millier d’accidents par année, même un « petit nombre » finit par apparaître dans les statistiques: dans la dernière décennie, de 10 à 20 déraillements par année impliquaient des trains transportant des produits dangereux.
Le magazine Gizmodo propose une liste des accidents de train ayant provoqué les plus gros dégâts environnementaux. Celui qui ressemble le plus à l’accident d’East Palestine remonte à 2012, au New Jersey : quatre wagons étaient tombés dans une rivière, y déversant du chlorure de vinyle. Des centaines de résidents ont dû être évacués, et des dizaines, hospitalisés.
Et bien que, sur le long terme, le nombre d’accidents de train en général diminue depuis les années 1970, les factures de déraillements impliquant des produits dangereux, elles, sont devenues plus lourdes, résument des journalistes du média en ligne The Lever. Et la faute en revient peut-être aux réglementations laxistes qui ont engendré beaucoup d’accidents évitables dans la dernière décennie, révélaient ces journalistes dès le 8 février.
À titre d’exemple, même le train qui a déraillé en Ohio n’était pas classé dans la catégorie de ceux dits « à haut risque d’incendie » : les pressions de l’industrie, en 2014, alors que le gouvernement américain envisageait des règles plus strictes — notamment après l’accident de Lac-Mégantic — avaient conduit à restreindre cette définition de « haut risque » aux trains transportant du pétrole brut, exemptant donc ceux transportant la plupart des autres matériaux combustibles.
Les règles sur l’obligation de mettre en place des systèmes de freinage automatisés ont été également assouplies en 2017. Le train du 3 février n’avait pas de tels systèmes et, selon les intervenants interrogés par The Lever, ces freins « auraient réduit la sévérité de cet accident ».
Qui plus est, il y a plus de fuites qu’il n’y a de déraillements. Selon une compilation du quotidien USA Today, dans la dernière décennie, les produits dangereux ont « fui » ou ont « coulé » de trains plus de 5000 fois aux États-Unis. Le seul bon point pour les transports ferroviaires, c’est que cela s’est produit 67 fois plus souvent dans le transport par camions.
Encore une fois, seul un « petit nombre » de ces fuites se traduit par des dégâts notables dans l’environnement ou par des émanations toxiques. Mais ces chiffres ne sont peut-être pas étrangers au fait que, rapporte le USA Today, ces cinq dernières années, les inspecteurs fédéraux ont sanctionné 36 % plus souvent des violations aux règles de sécurité de transports de produits dangereux, que pendant les cinq années précédentes.