Fallait-il une collaboration italo-soviétique pour raconter le bref retour triomphant, puis la seconde et ultime chute du plus célèbre des empereurs français? Sorti en 1970 et réalisé par Sergueï Bondartchouk, Waterloo est possiblement l’un des plus grands exemples de l’ampleur des moyens mis de l’avant pour tourner des films à grand déploiement, avant l’arrivée des images de synthèse.
S’articulant autour, donc, de la fameuse dernière grande bataille de Napoléon, Waterloo est une orgie de décors, de costumes, de figurants et d’acteurs qui s’en donnent à coeur joie. Du retour triomphant de l’empereur à sa défaite sur les plaines boueuses de la Belgique, ce sont plus de deux heures de pur délice cinématographique. Rien de tout cela n’est étonnant, d’ailleurs, quand on sait que le film a eu droit à un dantesque budget de 35 millions de dollars, une fortune pour l’époque.
Dans les bottes (et sous le tricorne) de Napoléon, on retrouve nul autre que Rod Steiger, acteur aujourd’hui décédé, mais qui a laissé sa marque dans des dizaines de films, notamment Docteur Jivago, Le Jour le plus long, ou encore The Amityville Horror.
Son ennemi, le terrible Wellington, est pour sa part interprété par nul autre que Christopher Plummer. Avec un Orson Welles jouant le rôle du roi Louis XVIII, rien de moins!
Bref, rien n’a été laissé de côté pour ce long-métrage, pas même les figurants. Impossible, en effet, de faire appel à quelque ordinateur que ce soit pour remplir l’écran de créatures diverses; ce sont plutôt pas moins de 20 000 hommes, tirés directement des rangs de l’Armée rouge, qui joueront les grognards de l’Empire et les soldats britanniques, en plus des renforts allemands qui changeront le cours de la bataille.
Waterloo, c’est aussi un lieu géographique précis, avec des bâtiments historiques. Le film accompagne d’ailleurs les cinéphiles avec des indications précises quant à certains lieux et dates importantes. Et pour recréer l’endroit où les troupes françaises seront finalement vaincues, on n’a lésiné sur rien : en Ukraine, des collines ont été rasées, des champs ont été plantés, des fermes ont été construites et de très nombreux tuyaux, cachés dans le sol, ont servi à produire cette terre boueuse qui nuira aux forces de Napoléon.
L’absence d’images de synthèse veut aussi dire que toutes les explosions, tous les tirs de canon, toutes les charges de cavalerie et les chutes sont réelles; environ la moitié du film est d’ailleurs consacrée à cette bataille titanesque qui durera, historiquement, tout une journée. On ne compte plus, à la fin, les effets pyrotechniques, ou encore ces cavaliers qui chutent avec leur monture, supposément emportés par des éclats d’obus ou des tirs de fusil. D’ailleurs, nul doute que 50 ans et des poussières plus tard, on crierait au bafouement des droits des animaux… et avec raison. Mais force est d’admettre que ce ballet guerrier témoigne d’une incroyable maîtrise scénographique. Après tout, a-t-on revu, depuis, des charges de centaines de cavaliers, le tout filmé par une caméra en mouvement? Même les cavaliers du Rohan fonçant sur les Orcs à Minas Tirith, dans Le Retour du roi, n’arrivent pas à leur cheville.
Et puisque cela n’était pas suffisant, on nous offre, à quelques reprises, des plans en direct d’un avion ou d’un hélicoptère. Comme ces centaines de cavaliers français chargeant vers leur mort, autour de l’infanterie anglaise ayant formé le carré.
Souvent magistralement interprété, avec de nombreux plan à l’excellente composition et une scène de bataille dantesque, Waterloo est une réussite à tous points de vue. Un classique malheureusement quelque peu oublié qui rappelle la superbe époque des films à grand déploiement. À voir absolument.