Est-ce un marathon, une longue soirée de réjouissances culinaires, ou quelque chose entre ces options? Avec sa salle de réception tout juste rouverte, après la pause de la pandémie où les commandes étaient entièrement à emporter, la cabane à sucre au Pied de Cochon propose un repas autant délicieux que gargantuesque, le tout selon un rythme allégé.
Sis au détour d’un rang tortueux de Mirabel, sur la rive nord de Montréal, le repaire sucré et excessivement riche en viandes du chef Martin Picard n’offre en effet plus qu’un seul service, en soirée, les jeudis et vendredis, plutôt que les deux services qui prévalaient auparavant. Si les multiples services du weekend sont maintenus, l’horaire moins chargé de la semaine permet non seulement aux convives d’arriver un peu plus tard sans tout chambouler, mais aussi au personnel de pour reprendre son souffle, lui aussi, sans avoir non plus besoin de pousser dans le dos des clients pour libérer les tables.
Et ce répit est particulièrement bienvenu : en plus de trois heures, c’est l’équivalent de plusieurs repas qui seront servis aux convives, généralement installés sur des tables à huit places. Si aucun plat ne sera mauvais, ni même ordinaire, on se félicitera tout de même d’avoir apporté des contenants pour ramener les restants à la maison.
Le ton est d’ailleurs donné : le tout premier plat consiste en un gâteau étagé de foie gras, avec trois sections et autant d’assemblages et de goûts différents. Tellement de foie gras, en fait, que la blague selon laquelle tous les plats subséquents sont en fait formés de cet aliment fera sourire à plusieurs reprises.
Après cet amuse-bouche viendra le temps de la soupe aux pois et des pommes de terre; car oui, les amateurs de cabane à sucre reconnaîtront sans peine les plats traditionnels. Ce n’est pas parce que la soupe est si riche et remplie de lardons et de jambon effiloché, ou parce que les « patates » sont en fait en partie caramélisées et montées à l’image d’un flan, en quelque sorte, avant d’être nappées de fromage, que l’on néglige ses classiques.
Et les produits du porc sont d’ailleurs largement à l’honneur, comme le mentionne le site internet de l’endroit, que ce soit sous la forme de l’excellent jambon, particulièrement tendre et accompagné, au choix, d’une moutarde sucrée ou d’une sauce à l’érable; en sections de couenne de porc frite, sorte d’oreille de Christ revisitée (et largement améliorée), ou encore en version effilochée, de nouveau, dans les fèves au lard qui n’en sont pas vraiment. Mais ce plat viendra dans un autre service…
Car oui, les services se succèdent, et même si les portions sont relativement raisonnables pour quatre convives, c’est la multiplication des plats qui risque d’avoir raison des estomacs les plus vaillants.
Notons, au hasard des bouchées, le succulent poulet qui se détache pratiquement au doigt, l’omelette légère comme un nuage transformée en un genre de farce insérée dans une truite cuite à la perfection, ou encore ces cigares aux choux farcis au canard bourguignons.
Sans oublier, évidemment, ces « fèves au lard », qui sont en fait l’équivalent d’un cassoulet, avec assez de haricots, de viande et de sauce pour nourrir une armée, sans oublier la tête fromagée installée sur le dessus du plat.
À ce point de la soirée, il faisait déjà passablement chaud à table, d’autant plus que le repas était accompagné d’un excellent vin tiré d’une vaste carte dont les prix vont du raisonnable à plusieurs fois le prix de l’hypothèque de ce journaliste. Mais qui sommes-nous, en fait, pour dire aux gens comment dépenser les dollars durement gagnés?
Ultimement, la tablée est arrivée à l’étape des desserts; enfin, les « ultimes » desserts, si l’on veut, puisque des crêpes et des oeufs dans le sirop avaient déjà été servis. Qu’à cela ne tienne, voici que l’on apporte de la crème glacée à l’érable, un gigantesque diplomate farci à la crème, une tarte aux pacanes et deux « pommes »… Qui sont en fait des sphères en chocolat blanc qui contiennent plusieurs couches de mélange sucré dont la composition exacte se perd dans les brumes de la digestion.
Tout est bon. Non, en fait, tout est délicieux; si le diplomate sera emporté pour être dégusté un autre jour, les autres desserts seront dévorés, même si les convives sentent que leur estomac est bel et bien plein. La tarte aux pacanes est par ailleurs succulente, avec sa garniture encore chaude et sa crème à l’érable. Que demander de plus?
Trois heures et des poussières après avoir entamé le premier plat, force est d’admettre que manger à la cabane au Pied de Cochon est aussi décadent qu’exigeant. Une saga gastronomique tout à fait abordable en tenant compte de la qualité et de la quantité – environ 100 $ par convive pour une table de quatre personnes –, mais dans laquelle on ne se lancera qu’à l’occasion. Non seulement parce qu’il faudra digérer tout cela, mais aussi parce que toutes les places pour la saison 2023 ont déjà été réservées…
Total de la soirée, pour quatre convives, avec une bouteille de vin, cinq cocktails et deux cafés : environ 650 $.
Photos : Jean-Richard Kenscoff