Il y a être gros, et être gros : Mathieu Gosselin sait bien des choses de cette dualité particulièrement complexe, un monde où l’embonpoint s’avère être à la fois un frein et une catapulte pour sa personnalité et sa carrière. Et dans Gros gars, présentée au Prospero, l’auteur et interprète invite le public à le suivre dans ce monde particulier.
Difficile de parler de cette pièce jouée dans la salle intime du Prospero sans parler de ce qu’elle n’est pas, c’est-à-dire un plaidoyer en faveur de l’acceptabilité corporelle ou une charge contre la grossophobie. Bien entendu, tout cela transparaît à travers l’oeuvre, mais Gros gars est plutôt une exploration de la façon dont ce surpoids peut à la fois s’intégrer dans une vie – qu’on le souhaite ou non – et servir de pilier pour la suite des choses.
Qu’est-ce que le corps, après tout? De la poésie aux questionnements existentiels, en passant par la musique électronique, voire un bien étrange concours de connaissances auquel le public est invité à participer – avec règles complexes à la clé, s’il vous plaît! –, Mathieu Gosselin s’expose aux spectateurs. Et à l’instar des gens plus minces, bien entendu, sa personnalité n’est clairement pas limitée à ses poignées d’amour.
Pourtant, on sent toujours que ces kilos pèsent – sans mauvais jeu de mots. De temps à autre, voilà qu’on a l’impression que les bourrelets prennent vie, dans autant de situations d’autodénigrement où ressort ce fameux Gros Gars, une version de l’auteur que l’on pourrait qualifier d’imbécile heureux, ou d’autres qualificatifs peu flatteurs. Gêné, maladroit, ayant peur de soi comme des autres, cet avatar issu des tripes frappe comme un coup de massue, particulièrement pour ceux et celles qui ont éprouvé, ou qui éprouvent encore, des problèmes avec leur image corporelle.
Malgré tout, tel que mentionné auparavant, ce n’est certainement pas parce qu’une personne a des kilos supplémentaires que cela l’empêchera d’accomplir quelque chose, dans la vie. Oui, il faudra peut-être dire adieu à certains sports professionnels, mais autrement, l’embonpoint peut en fait s’avérer être un tremplin pour atteindre d’autres objectifs.
Mathieu Gosselin s’amusera d’ailleurs, à ses propres dépens, à évoquer la poésie écrite à l’adolescence, ou encore ce début de recueil ayant reçu un avis positif de la part d’une maison d’édition, avant que le projet ne tombe dans l’oubli, mais ce qu’il faut retenir, c’est que l’homme semble avoir réussi sa vie, non seulement en fondant une famille, mais aussi en utilisant ses propres expériences pour en tirer une création théâtrale époustouflante. Que demander de plus, dans ce cas?
Gros gars, écrit et interprété par Mathieu Gosselin, selon une mise en scène de Sophie Cadieux; au Théâtre Prospero jusqu’au 18 février.