La multiplication des morts liées à des interventions policières, aux États-Unis – des interventions où les victimes sont des personnes noires –, a entraîné un regain de pression en faveur d’un mouvement de la réforme des services de police, y compris avec un appel à l’augmentation du nombre de programmes en matière de diversité. Une nouvelle étude suggère cependant que la version actuelle de ces programmes n’a que peu d’impact sur le comportement des policiers.
L’étude en question, réalisée par des chercheurs de l’Université Washington, indique que les programmes de formation sur les biais inconscients, qui durent généralement une journée, ont peut de chances de modifier les inégalités raciales lorsque vient le temps de faire appliquer la loi.
« Les agents qui ont suivi la formation en savaient davantage à propos des biais et étaient davantage motivés à l’idée de s’attaquer à ceux-ci dans le cadre de leur travail », mentionne Calvin Lai, le principal auteur de l’étude.
« Cependant, ces effets ne duraient qu’un temps et ne semblaient avoir que peu d’impact sur les véritables comportements seulement un mois après la séance de formation », ajoute-t-il.
Publiés dans Psychological Science, les travaux évaluent les expériences de 3764 policiers d’un peu partout aux États-Unis qui ont participé à une formation d’un jour sur les biais offerte par l’Anti-Defamation League, un organisme sans but lucratif.
Cette formation, composée d’ateliers participatifs, mettent l’accent sur la discussion et l’apprentissage actif plutôt que sur les cours magistraux, et ont été conçus pour aider les policiers à comprendre comment leur vision du monde est modelée par leur identité et leur culture, et à apprendre que ces biais peuvent affecter leur comportement.
L’évaluation du programme par M. Lai, qui regroupe 251 séances de formation tenues entre juin 2019 et janvier 2022, s’appuie sur les réponses fournies par les agents dans le cadre de sondages effectués avant, immédiatement après et un mois suivant leur journée d’apprentissage.
Lorsque les participants ont été invités à décrire leurs pensées à propos de la formation, plusieurs ont indiqué que celle-ci était surprenante et signifiante. Par exemple, l’un des répondants a dit « s’être fait ouvrir les yeux à propos des biais que nous avons tous, en tant qu’êtres humains », alors qu’un autre a déclaré « avoir vraiment aimé la formation, puisqu’elle m’a permis de découvrir des biais dont je n’étais pas conscient ».
Les policiers ayant suivi la formation possédaient 15 années d’expérience, en moyenne, et la plupart se trouvaient dans le même service de police depuis plus de cinq ans. En général, les agents occupaient un rang inférieur à celui de sergent, 77 % d’entre eux étaient des hommes et 79 % avaient un baccalauréat ou un diplôme d’un niveau supérieur.
Et parmi ceux qui ont dévoilé leur appartenance ethnique, 47 % étaient caucasiens, 20 % étaient noirs, 27 % étaient hispaniques et 2 % étaient asiatiques.
Quels changements à long terme?
« L’éducation à propos des biais inconscients était efficace pour comprendre ces derniers, mais c’est à peu près tout. Notre étude indique que les programmes de formation actuels sont efficaces pour changer les esprits, mais beaucoup moins lorsque vient le temps de changer les comportements », souligne M. Lai.
Ce dernier travaille avec le département américain de la Justice pour concevoir un nouveau programme de formation sur les biais, et affirme qu’il est important de définir clairement les attentes en ce qui concerne une formation unique d’une journée.
Le chercheur juge malgré tout que le programme de l’Anti-Defamation League est l’un des meilleurs des États-Unis. Ledit programme est basé sur la recherche dans le domaine, vient avec un manuel de 80 pages et est offert par une équipe de deux personnes spécialement formées.
M. Lai juge que les services de police peuvent accroître l’efficacité de la formation en matière de diversité en démontrant un engagement véritable et à long terme pour atteindre les objectifs du programme et s’assurer que les formations sur les biais sont intégrées au sein d’autres initiatives organisationnelles, le tout renforcé par des responsables, avec une évaluation à la clé.
« Changer les esprits est difficile, provoquer des changements sociaux est difficile, mais cela ne veut pas dire que cela ne vaut pas la peine », déclare encore M. Lai. « Nous devons éliminer l’idée du tout ou rien à propos de l’efficacité de la formation sur les biais, et nous concentrer sur des changements spécifiques qui peuvent être mis en place par les services de police pour faire une vraie différence. »