Des profits records. Des ventes records. L’année 2022 en a été une de chiffres hors du commun pour au moins quatre des plus grandes pétrolières du monde, en dépit des avancées notables du solaire et de l’éolien.
Exxon, Shell, Chevron et ConocoPhillips, ont tous rapporté ces derniers jours avoir dégagé les plus gros profits de leur histoire en 2022, en partie grâce à la guerre en Ukraine qui a poussé les prix des énergies fossiles vers le haut. À elles quatre, ces compagnies totalisent des ventes de 1000 milliards. Deux autres géants du domaine, Total et BP, doivent publier leurs résultats financiers de 2022 la semaine prochaine.
Chevron, la deuxième plus grande compagnie pétrolière des États-Unis, a déclaré des profits records de 36,5 milliards$ US, tandis que ceux de Shell s’élèvent à 39,9 milliards$, le double de l’an dernier. Mais Exxon, la plus grande compagnie américaine, les devance tous avec un phénoménal 55,7 milliards$: c’est du jamais vu dans l’histoire de cette compagnie née au 19e siècle. C’est davantage que le PNB de plus de la moitié des pays de la planète.
Les groupes environnementaux s’en sont indignés cette semaine mais, phénomène rare, la Maison-Blanche s’en est également indignée, critiquant les pétrolières pour avoir maintenu une bonne partie de l’année les prix à un niveau aussi élevé, pour avoir si peu investi dans les énergies renouvelables, et pour avoir profité à ce point de la guerre en Ukraine. En fait, dès le moment de l’invasion, la dépendance mondiale aux énergies fossiles avait été décrite comme une des clefs pour expliquer ce conflit.
L’idée d’une taxe sur les profits du pétrole et du gaz a circulé ces derniers mois aux États-Unis. L’Europe et le Royaume-Uni en ont créé une en 2022, dans le but de compenser pour la hausse des prix de l’énergie. À la fin de décembre, Exxon a déposé une poursuite devant un tribunal du Luxembourg pour bloquer cette taxe, alléguant qu’elle pourrait lui coûter 2 milliards.
En plus de la guerre, 2022 a aussi été l’année où les émissions de gaz à effet de serre sont revenues aux niveaux d’avant la pandémie, et les ont même dépassés : selon une estimation qui reste encore à confirmer, les émissions mondiales de CO2 (incluant celles du charbon) devraient avoir atteint 37,5 millions de tonnes — une hausse de seulement 1% par rapport à l’année précédente, mais une hausse tout de même, qui marque un nouveau record.
Le paradoxe derrière tous ces records et les changements climatiques qu’ils entraînent, est qu’une façon de faire baisser les prix dans la dernière année — et de diminuer les profits — aurait pu être, pour ces compagnies, d’augmenter leur production de pétrole.
L’Agence internationale de l’énergie, dans un court document publié moins d’un mois après l’invasion, recommandait 10 mesures pour réduire à court terme la consommation de pétrole, plutôt que d’augmenter la production. Dans son bilan de 2022, la même agence constate pourtant que la production de pétrole a augmenté de 4,7 millions de baril par jour en 2022. Elle prévoit tout au plus que cette croissance va ralentir en 2023, à « seulement » 1 million de barils de plus par jour, ce qui donnerait à la fin de l’année un record de 101,7 millions de baril par jour.