Il est sans doute logique qu’un projet théâtral portant notamment sur l’évolution, un processus qui s’étire depuis l’apparition de la vie sur Terre, prenne au moins quelques années avant de voir le jour. Après tout, Darwin parlait d’une « guerre contre la Nature », et pour mieux comprendre ce phénomène, force est d’admettre que la patience est parfois de mise.
« Parfois, un commence un projet, et on le finit en un an, un an et demi… Celui-ci prend une forme vraiment différente qui est très dure à expliquer. Quel a été le processus? Je pense que premier bout de ce texte, je l’ai écrit alors que j’étais encore à l’École nationale de théâtre, en 2014, peut-être », explique d’emblée Gabriel Plante, auteur du texte de la pièce Sur l’apparition des os dans le corps, qui est présenté au Prospero jusqu’au 11 février.
« Je n’ai pas passé tout ce temps sur cette pièce; j’ai un peu oublié ce texte, j’y suis revenu. C’est sûr que ce sont un peu des allers-retours entre ma mémoire et mes émotions. C’est un peu quelque chose qui me suit depuis un temps », ajoute-t-il encore, avant d’indiquer qu’avec d’autres membres de la compagnie Création Dans la Chambre, il a « entretenu un rêve autour de ce spectacle-là pendant un temps ».
Sur scène, Amélie Dallaire et Gabriel-Antoine Roy se donnent la réplique, alors que la première joue une femme qui, nous explique-t-on dans le communiqué expliquant la pièce, « cherche à ressentir le passage du temps dans son corps en se fracassant les os, en vain ».
Puisqu’il s’agit d’une idée portée pendant de longues années, est-ce difficile de franchir l’étape entre les pensées, les émotions et les idées intérieures, et le fait d’extérioriser cette « possession » personnelle en la couchant sur papier?
« Pour moi, un des chemins avec ce texte-là, et ce qui donne de l’importance à son parcours, jusqu’à maintenant, c’est que j’ai justement accompli quelques choses, auparavant, et j’avais maintenant envie de me recentrer, de retrouver l’ado qui écrit des affaires. Quand tu as une carrière et que tu avances dans le milieu, ces retours à une essence-même sont particulièrement importants », expliue M. Plante.
« Je n’ai pas voulu me cacher dans ce texte… Mais dans l’oeuvre, on passe aussi par beaucoup de choses qui ne sont pas moi; c’est l’histoire d’une rupture amoureuse que je n’ai pas vécue, mais qui est analysée, comme si nous essayions de voir les émotions, de ce qui s’est passé entre deux personnes, le tout avec les yeux de la science. On passe autant de la primatologie à la biologie, à l’ethnologie, et évidemment à l’archéologie. On essaie de remonter aux sources de quelque chose. »
Et dans un contexte scientifique, l’auteur de la pièce s’est effectivement tourné vers les textes rédigés par des chercheurs pour étoffer son oeuvre. « Au lieu de lire des pièces ou des oeuvres, c’est comme si j’avais déplacé la palimpseste dans des ouvrages scientifiques », mentionne-t-il. Des livres aussi surprenant que des recherches sur la réconciliation chez les primates ont ainsi contribué à développer le « corpus » théâtral de Sur l’apparition des os dans le corps.
Ce bagage scientifique a été transmis à Félix-Antoine Boutin, metteur en scène de la pièce et grand ami de l’auteur. « Félix-Antoine s’est alors dit « je pense que c’est un show de magie victorien ». La recherche de la connaissance, la recherche de l’essence, tout cela est tombé dans l’univers de la magie… Mais il n’y a pas de trucs de magie sur scène », rajoute Gabriel Plante, sourire en coin.
« C’est un langage pour se situer dans l’oeuvre. »
Sur l’apparition des os dans le corps, de Gabriel Plante; mise en scène de Félix-Antoine Boutin, avec Amélie Dallaire et Gabriel-Antoine Roy. Une production de Création Dans la Chambre, présentée au Théâtre Prospero jusqu’au 11 février.