Le ciel nocturne est de moins en moins nocturne: l’éclairage urbain l’aurait rendu de 7 à 10% plus brillant chaque année entre 2011 et 2022, selon les observations recueillies auprès de plus de 51 000 astronomes amateurs à travers le monde.
Ces « scientifiques citoyens » font partie de ceux qui participent depuis 14 ans à un projet international, Globe at Night, qui vise à sensibiliser aux impacts de la pollution lumineuse. Ils soumettent leurs observations des étoiles qui, dans leur région, sont visibles à l’oeil nu. Quatre chercheurs d’Allemagne et des États-Unis ont eu l’idée de plonger dans cette base de données pour y vérifier s’il serait possible de discerner une tendance. Leur analyse est parue le 19 janvier dans la revue Science.
Les auteurs proposent comme comparaison qu’une personne qui pouvait voir 250 étoiles dans les années 2000 ne pourrait en voir, au même endroit, qu’une centaine aujourd’hui.
À l’heure actuelle, les seules données dont on dispose sur la pollution lumineuse sont celles recueillies à cette fin par certains satellites. Les estimations de ces satellites sont plus « optimistes » que celles de cette étude : on parle d’une augmentation de la brillance de 2,2 % par année entre 2012 et 2016. Les chercheurs expliquent en partie cette différence par l’incapacité des satellites à détecter la lumière bleue des DEL (diodes électroluminescentes), qui ont commencé à être utilisées à l’extérieur dans la dernière décennie.
Il faut noter que cette estimation d’une augmentation de brillance de 7 à 10 % par année est une moyenne internationale, mais qui couvre surtout l’Europe et l’Amérique du Nord, d’où proviennent la majorité des 51 000 amateurs d’astronomie. Par ailleurs, certains pays ont introduit dans les 15 dernières années des règles pour réduire l’éclairage nocturne; quelques-uns ont même créé des régions appelées « réserve de ciel étoilé », caractérisées par une sévère limitation de la pollution lumineuse. Or, ces efforts sont eux-mêmes surtout en Europe et en Amérique du Nord, ce qui n’a pourtant pas empêché les observateurs de rapporter une détérioration de la situation.
La pollution lumineuse n’est pas qu’un problème pour les amateurs d’étoiles, c’est aussi un problème environnemental, rappellent deux physiciens espagnols dans un commentaire accompagnant l’article. Un surcroît de lumière artificielle, la nuit, induit des changements comportementaux dans un écosystème —des prédateurs peuvent en profiter et des proies devenir carrément espèces menacées— et réduit la production de mélatonine, une hormone qui, rappellent les deux auteurs, contrôle les horloges biologiques, les nôtres comme celles des animaux. Ils y voient un argument pour faire des limites à la pollution lumineuse l’équivalent des limites à la pollution de l’air imposées par des lois à partir des années 1970.