Dans une petite ville de France, une femme s’origine sénégalaise est accusée d’un crime terrible : celui d’avoir sciemment noyé son enfant âgé de 15 mois. Et dans le cadre de son procès, une professeure et écrivaine, elle-même noire, sera confrontée à ses propres démons.
Réalisé par Alice Diop, connue pour son travail du côté du documentaire, et dont il s’agit ici du premier long-métrage, Saint Omer s’appuie sur une véritable affaire qui avait ébranlé la France, en 2016. À l’époque, la réalisatrice avait d’ailleurs assisté au procès, ce qui lui a certainement permis de transposer à l’écran non seulement diverses parties des procédures, mais aussi d’en adapter le côté à la fois officiel et machinal.
Car le film s’installe dès le départ très loin des effets de toge auxquels les films et séries américains nous ont habitués. Plutôt que d’avoir des avocats qui cherchent les grandes révélations, Saint Omer joue plutôt la carte de la confrontation directe, en quelque sorte, alors que des plans parfois quasiment interminables nous montrent l’accusée en train de répondre aux multiples questions de la juge. Et, chaque fois, cette accusée répond sans manifester d’émotion.
Dans la même salle d’audience, nous trouvons Rama, notre personnage principal, qui peu à peu se fascine pour cette histoire à la fois terrible et ordinaire : celle d’une femme seule, abandonnée de son compagnon, en quelque sorte forcée d’avoir un enfant. Mais est-ce vraiment ce qui s’est passé? L’accusée, 15 mois après la naissance de sa fille, était-elle à ce point psychologiquement et socialement martyrisée qu’elle n’a pas eu d’autre choix que d’abandonner son bébé sur la plage, à marée montante?
Et à travers tout cela, on en apprend davantage sur Rama, ce qui la pousse à venir voir ce procès, ce qui la taraude, ce qui justifie ces longs regards qu’elle lance à la mère accusée d’infanticide…
Une chose est claire : il ne faut pas nécessairement se lancer dans Saint Omer en espérant obtenir un grand nombre de réponses. Mme Diop signe ici clairement une oeuvre contemplative dans laquelle les choses sont suggérées, plutôt que d’être clairement explicitées. On saluera certainement les efforts techniques, parfois particulièrement subtils, qui permettent d’obtenir une expérience cinématographique hors de l’ordinaire.