S’il devait y avoir un El Nino l’hiver prochain, la température moyenne de la Terre pourrait bien dépasser pour la première fois, en 2024, la barre du 1,5 degré, près d’une décennie plus tôt que ce qui était initialement prévu.
Un peu partout, les modèles les plus récents prévoient que l’actuelle phase du phénomène La Nina prendra fin ce printemps, et sera suivie par un El Nino dans la deuxième moitié de 2023. Le Bureau météorologique australien a réitéré cette prédiction le 3 janvier, de même que l’Agence américaine des océans. Or, les années El Nino sont caractérisées par un coup de pouce supplémentaire aux températures plus chaudes.
Plus précisément, El Nino commence par un réchauffement des eaux des régions tropicales de l’Est du Pacifique d’au moins 0,5 degré. La Nina est le phénomène inverse, un refroidissement des mêmes eaux en-dessous de la moyenne à long terme. Tous deux déclenchent, par effet domino, des perturbations à travers le monde.
Indépendamment de ces deux phénomènes, ces dernières années, le réchauffement de la température moyenne de la Terre, par rapport à l’ère d’avant la Révolution industrielle, a été de plus de 1,1 degré Celsius, approchant même 1,2 degré. Si la tendance se maintient, la barre du 1,5 degré — que les différents pays s’étaient engagés en 2015 à tenter de ne pas dépasser— serait atteinte au début des années 2030. Qui plus est, dans un rapport publié en mai dernier, le Bureau météorologique britannique (MET) estimait qu’il y avait 48 % de chances que ce seuil soit atteint dès 2026. À en croire les nouvelles estimations, ça pourrait donc être dès 2024.
Jusqu’à la signature de l’Accord de Paris en 2015, on parlait plutôt du seuil de 2 degrés comme étant celui que la prudence imposait de ne pas dépasser, pour éviter des perturbations catastrophiques aux différents systèmes de notre planète. C’est la prise de conscience que des impacts du réchauffement climatique commencent d’ores et déjà à se faire ressentir, qui avait conduit des pays insulaires à insister pour que la cible soit plutôt ramenée à 1,5 degré — même si, déjà en 2015, la plupart des observateurs l’estimaient peu réaliste.
Le dépassement du seuil de 1,5 degré en 2024 pourrait n’être que temporaire : les fluctuations d’une année à l’autre donneraient vraisemblablement quelques années de répit avant qu’il soit définitivement franchi. Mais la valeur symbolique qu’a pris ce seuil depuis 2015 donnerait à son dépassement, même temporaire, une allure « d’échec dévastateur », analyse la journaliste environnementale britannique Madeleine Cuff dans le New Scientist: « les chefs d’État seraient accusés d’avoir fait des promesses vides et les gens d’affaires seraient blâmés pour [continuer de] polluer la planète dans leur quête de profits ».
« Quant au mouvement climatique, le sentiment d’urgence qui avait dynamisé les militants à travers le monde pourrait se dissiper… Pourront-ils recréer de manière convaincante le même momentum pour une cible de 1,6, ou 1,7 degré? »