Près de sept siècles plus tard, la guerre de Cent Ans peut, pour certains, avoir des airs de mélange flou de batailles et de revendications contradictoires quant à l’héritier légitime du trône de France. Pour d’autres, il s’agit d’un moment fondateur de la nation française… et d’un tournant majeur dans l’histoire anglaise. Dans un nouvel essai historique paru chez Prologue, Amable Sablon du Corail révèle que la vérité est à la fois un amalgame de ces réponses, mais aussi bien plus que cela.
S’il est impossible de carrément extraire ce siècle (et des poussières) de vaste tumulte économique, politique, social et militaire, sur le continent européen comme sur les îles britanniques, de son contexte, l’auteur, très vastement documenté, se donne comme mandat d’isoler, le plus possible, les tenants et les aboutissants. Le tout, bien sûr, pour mieux comprendre les différents facteurs ayant non seulement mené à l’embrasement, mais aussi à la poursuite des hostilités.
Le plus étrange, peut-être, lorsque l’on s’embarque dans la lecture de cet ouvrage, consiste à se débarrasser des préconceptions contemporaines concernant la guerre et les conflits de grande envergure. Ainsi, pas de grandes opérations militaires, dans cette guerre; ou, plutôt, pas d’opérations nécessitant une machine de guerre industrielle, avec ses dizaines, voire ses centaines de milliers d’hommes jetés dans le grand hachoir de l’histoire.
Non, s’il y aura bel et bien quelques grands affrontements, au fil de ce siècle, notamment des batailles décisives, comme à Azincourt, ce siècle de guerre sera plutôt 100 ans d’escarmouches et de tous les autres problèmes entourant la guerre. De part et d’autre, des soldats mourront de faim, du mauvais temps, de la maladie. En Angleterre comme en France, on peinera parfois carrément à lever des armées, faute de revenus fiscaux. Et si l’on tente alors d’amasser des fonds en urgence, il n’est pas impensable que des villes, voire des régions entières se soulèvent contre l’autorité centrale. Enfin, autorité centrale… Pendant bien longtemps, l’autorité du roi de France, par exemple, ne tiendra qu’à un fil, quand le pays n’est pas carrément déchiré par les guerres civiles.
On aura aussi des conflits religieux, avec des querelles parfois sanglantes entre papes, des aventures politiques et militaires ailleurs en Europe, notamment en Espagne et au Portugal, ou encore dans une Italie qui n’en avait pas encore le nom… Car cette guerre de Cent Ans, c’est aussi une guerre d’influence européenne.
De page en page, le lecteur est presque enseveli sous les noms de personnages historiques; les récits de villes conquises, puis reperdues; les tensions et trépidations politiques et économiques; sans oublier les coups du destin, bien souvent plus cruel que nécessaire.
Certes, La guerre de Cent Ans – Apprendre à vaincre est un ouvrage (très) dense, dont la lecture peut parfois paraître épuisante. Mais à l’instar de la saga des Rois maudits, on trouve ici une histoire palpitante, incroyable, sensationnelle… Et mieux encore, on nous raconte cette fois la vraie histoire, en prenant bien le temps de nous expliquer les divers points de vue lorsque les historiens ne s’entendent pas, en plus de déconstruire les conceptions passéistes de certains événements.
Pour tout amateur d’histoire, cet ouvrage s’avère être un ajout absolument nécessaire à une bibliothèque. Amable Sablon du Coreil est clairement passionné, et le résultat est à la hauteur des attentes.
La guerre de Cent Ans – Apprendre à vaincre, d’Amable Sablon du Corail, publié aux éditions Prologue, 393 pages