6 novembre 2022 : le journaliste d’investigation et pilier du site d’information Dakar Matin Pape Alé Niang est arrêté de force dans la capitale sénégalaise. Trois chefs d’accusation pèsent sur lui et justifient aux yeux du procureur et de l’État son emprisonnement dont la « divulgation d’informations susceptibles de décrédibiliser le pouvoir ».
Cet épisode a forcé une intervention de Reporters sans frontières en la personne du secrétaire général Christophe Deloire le 1er décembre, à la prison de Sébikhotane. Pour saisir les enjeux juridiques de la saga #FreePapeAlé, son avocat Moussa Sarr analyse le tableau socio-politique, alors qu’une seconde libération provisoire sous couvert de contrôle judiciaire vient d’être accordée à son client, et que celui-ci est sorti de prison mercredi.
La presse au ban d’une dérive autoritaire
Les accusations ayant incriminé l’homme en vue de la presse origine d’une divulgation d’information de nature à nuire à la défense nationale. C’est lors d’une investigation l’ayant mené à dévoiler entre autres une documentation militaire classée secrète qu’il reçoit le blâme de diffuser de fausses nouvelles discréditant l’État. Le journaliste éditorialiste n’hésite pas à dévoiler ces éléments d’information auprès d’un large auditoire au Sénégal. Après une première incarcération le 6 novembre dernier, il comparaît à la cour le 9 décembre. Puis après une semaine en libération provisoire accordé le 14 décembre, on le conduit à nouveau derrière les barreaux le 20 décembre.
Inconcevable jugement que Maître Sarr déplore. « J’estime qu’en démocratie, on n’arrête pas un journaliste qui a fait son travail. Il a le devoir d’informer. Mais même en Occident, on assiste à une crise de liberté de la presse qui se manifeste par des heurts avec les gouvernements. Et nous au Sénégal, dans notre jeune démocratie en action, lorsqu’on est trop exposé comme média, le pouvoir accepte mal la critique… », explique le défenseur des droits à propos de cette forme de dérive autoritaire.
Sénégal : une démocratie en maturation
Alors qu’il est tout juste libéré et traité dans un hôpital à Dakar où il reçoit des soins intensifs des suites d’une grève de la faim, le sort du journaliste gravement affaibli inquiète au plus haut point Me Sarr. Tout au long de ses démarches et plaidoiries, il a ressenti un climat sous haute tension dans l’arène des acteurs politiques sénégalais. « Ils ont tenté avec cet emprisonnement de prendre en otage la population qui elle tient à sa tranquillité et fait montre de résilience », expose-t-il. Une quête de calme collective apparente, surtout dans le camp des médias qui n’a eu de cesse de soutenir leur collègue et de manifester pour son entière libération.
Malgré le poids actuel de la conquête du pouvoir au Sénégal, que l’avocat considère être ni plus ni moins de l’ordre de la « question de vie et de mort », l’espoir en une justice autre lui redonne foi. Au nom de la cohésion sociale au Sénégal et de l’amélioration de la gouvernance. Mobilisé plus que jamais et combattif dans la défense des plus vulnérables et fragiles. « Il faut travailler à la démocratie car tout ne peut être codifié par les textes de loi. Savoir cultiver la tolérance, l’acceptance. Je ne désespère pas de mon pays car le Sénégal a besoin de dirigeants transformationnels aspirant à la consolidation démocratique », dit Me Sarr.
Il ajoute également l’influence de la presse internationale, déterminante pour l’obtention de la liberté provisoire et la liberté de la presse. « Tant qu’il y aura ce soutien dans cette bataille d’opinion, l’État devra se plier et reculer. Il s’agit d’un soutien indispensable. »
Quant aux lendemains de M. Niang, ce dernier devra encore se plier aux clauses de la liberté partielle assorti d’un contrôle judiciaire. Nul droit d’utiliser son passeport. Silence face à l’affaire d’emprisonnement. Et interdiction d’usage des réseaux sociaux à toute fin d’activisme, même hors des frontières du Sénégal. À ce jour, aucun politicien ne s’est exprimé sur sa condamnation, hormis le ministre des affaires étrangères via un message sur Facebook, pour rassurer l’opinion publique sur la surveillance médicale de Pape Alé Niang. Une façon d’esquiver tout risque d’accusation de non-assistance à personne à danger, aux dires de Moussa Sarr.