De grandes entreprises du secteur de la mode important des vêtements du Bangladesh, à destination du marché britannique, paieraient sous le prix de revient, selon un nouveau sondage effectué auprès de 1000 manufacturiers de ce petit pays d’Asie.
La majorité des usines du Bangladesh vendant des vêtements à 24 des plus grandes chaînes de commerce au détail ont indiqué être payées aux mêmes prix près de deux ans après le début de la pandémie, malgré l’augmentation du coût des matières premières.
Un grand nombre de noms connus de la mode mentionnés dans l’étude, intitulée Impact of Global Clothing Retailers’ Unfair Practices on Bangladeshi Suppliers During COVID-19, achèteraient leurs produits auprès d’usines qui doivent faire face à une hausse des prix des matières premières, et 20 % de ces installations auraient de la difficulté à payer le salaire minimum en vigueur dans le pays, soit environ 5 $ par jour.
Au total, 90 % des grandes marques achetant auprès d’au moins quatre usines utiliseraient des pratiques d’achat injustes comprenant des annulations, le non-paiement des factures, des retards de paiement et des demandes pour obtenir des rabais. Le tout aurait des impacts regroupant des heures supplémentaires forcées et du harcèlement.
Selon les fournisseurs interrogés, les grandes marques avaient davantage tendance à s’adonner à ces pratiques que leurs concurrents plus petits. Et chaque marque faisant affaire avec au moins 15 fournisseurs utiliserait au moins l’une de ces pratiques néfastes.
Le Bangladesh est le deuxième plus important exportateur de vêtements de la planète, et expédie des millions de produits à travers le monde.
« Deux ans après le début de la pandémie, les travailleurs de l’industrie de la mode, au Bangladesh, ne sont pas suffisamment payés pour vivre, alors que les marques ayant recours à cette main-d’oeuvre ont fait gonfler leurs profits », soutient le chef du projet de recherche, Muhammad Azizul Islam, professeur à la Business School de l’Université d’Aberdeen.
« Et la hausse des taux d’inflation, un peu partout sur la planète, a sûrement empiré les choses. »
L’étude a aussi révélé qu’après les confinements, les usines à textiles n’emploient plus que 75 % de la main-d’oeuvre qui y travaillait auparavant, ce qui porte à croire que jusqu’à 900 000 travailleurs pourraient avoir perdu leur poste.
« Il faut un chien de garde »
« Cette étude est un signal d’alarme », affirme Fiona Gooch, principale conseillère en matière de politiques chez Transform Trade.
« Lorsque les détaillants maltraitent les fournisseurs en revenant sur des accords préalables, ce sont les travailleurs qui en subissent les conséquences. Si l’acheteur ne paie pas le montant convenu, ou retarde ses paiements, le fournisseur doit trouver une autre façon de réduire les frais, et cela est fréquemment transféré aux employés, qui sont ceux qui ont le moins de pouvoir dans la chaîne d’approvisionnement. Et il n’est pas surprenant d’entendre que des gens sont réembauchés à moindre coût, sont harcelés, ou doivent effectuer des heures supplémentaires de façon bénévole. Nous avons besoin d’un chien de garde pour surveiller l’industrie de la mode, comme il en existe déjà un pour les marchés d’alimentation », soutient cette spécialiste britannique.
Selon elle, les grandes chaînes de vente au détail, sur le territoire britannique, comme Aldi et Lidl, doivent respecter des règles lorsque vient le temps d’acheter des aliments, mais pas en ce qui concerne l’achat de vêtements.
« C’est seulement lorsque les fournisseurs seront en mesure de prévoir à long terme, en sachant qu’ils gagneront les montants prévus, qu’ils pourront offrir de bonnes conditions de travail à leurs employés », mentionne Mme Gooch.
Ainsi, près des deux tiers des entreprises sondées ont indiqué recevoir une forme ou une autre d’appui financier de la part du gouvernement ou des banques du Bangladesh pour éviter la faillite.
De toutes les marques écrouées dans le rapport, 12 sont membres de l’Ethical Trading Initiative, qui vise à promouvoir les droits des travailleurs à travers la planète.
« Les marques multimillionnaires extraient leur richesse de certains des pays les plus pauvres, sous la forme d’un néocolonialisme du 21e siècle », martèle la professeure Pamela Abbott, directrice du Center for Global Development à l’Université d’Aberdeen.
« En raison de la dynamique de pouvoir inégale entre fournisseurs et acheteurs, aucun des fournisseurs ayant rapporté des violations de contrat, dans le cadre de l’enquête, n’a entamé de procédures légales pour récupérer ses pertes. »
L’industrie du prêt-à-porter représente 85 % de revenus d’exportation du Bangladesh, et plus de 12 millions d’habitants du pays dépendent de ce secteur de l’économie.