Il y a maladie mentale, et il y a maladie mentale. Dans Déraillée, un roman graphique de Jo Mouke et Julien Rodriguez, on découvre ainsi l’histoire de Pénélope Renard, une femme choisissant de se faire interner, en France, pour des problèmes de santé mentale et de dépendance à la drogue. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son récit est à la fois ordinaire et incroyable.
Ordinaire, d’abord, parce que cet ouvrage publié aux éditions Le passager clandestin montre le réseau de la santé dans ce qu’il a de plus universel : il s’agit d’un monde pesant, où la bureaucratie est importante, et où on a l’impression que l’on ne souhaite pas tant que l’on guérisse, mais plutôt que l’on termine notre transition à travers les dédales de cette institution tentaculaire.
Mais ce qui est incroyable, c’est qu’à travers les longues journées de frustration, à travers les ressources souvent bien limitées, on trouve tout de même des médecins et des infirmiers et infirmières qui font tout leur possible pour aider les patients à guérir. On trouve aussi des malades qui n’ont malheureusement que peu d’espoir de guérison, mais aussi des gens qui devraient pouvoir s’en sortir… à condition de faire continuellement attention.
Car la maladie mentale est sournoise, et Déraillée montre bien les tentations, les dangers associés au fait de vouloir s’accrocher aux vieux réflexes, aux vieilles façons de faire et d’être.
Chargé, voire très chargé de dessins, de dialogues, de coups de gueule, Déraillée possède donc la banalité de l’attente aux urgences, mais aussi ce côté inconnu, cet aspect de la santé et du traitement médical qui a été révélé au grand jour, en quelque sorte, dans Vol au-dessus d’un nid de coucous. Avec ces dessins nerveux et ses échanges parfois vifs, le roman graphique est tour à tour touchant, triste, déprimant, mais aussi parfois franchement drôle. Humain, bref.
Cette oeuvre s’avère nécessaire. Ne serait-ce que pour comprendre cette réalité souvent occultée, que cela soit fait de façon volontaire ou non.
Déraillée, de Jo Mouke et Julien Rodriguez, publié chez Le passager clandestin, 128 pages