Valérie Jacques Bélair, alias Val-Bleu, a voyagé à plusieurs reprises en Inde depuis 2012, et elle partage de belle façon sa passion pour le pays, sa culture, ses mythes et ses habitants, avec la bande dessinée Couennes dures.
Raphi souffre d’une commotion cérébrale depuis son accident de vélo, et elle est tout le temps étourdie et fatiguée. Découragée par sa longue convalescence, elle songe à abandonner ses études en sciences de la religion et sa maîtrise sur les divinités hindoues, qui sont pourtant sa grande passion. Pour empirer un peu plus la situation, son amoureux la quitte, et son coloc lui laisse entendre qu’il aimerait que son chum emménage dans l’appartement, et prenne sa place.
S’apercevant que plus rien ne la retient à Montréal, Raphi décide alors de partir en Inde, et de se rendre au Rajasthan afin de visiter le temple des rats à Deshnoke, ce lieu singulier où les rongeurs sont vénérés et sont nourris de pâtisseries et de lait. Dès son arrivée, elle rencontre un jeune Indien en congé scolaire, Lokesh, qui lui propose de devenir son guide. Suite à une dispute avec ce dernier, elle se retrouve perdue dans le désert. Par chance, elle tombe sur trois jeunes femmes, dont Babita, qui arbore une généreuse moustache. Ainsi accompagnée, elle découvrira un aspect du pays auquel peu de touristes ont accès, soit la vie rurale.
Ce n’est pas d’hier que les gens brisés, ou qui se cherchent, se rendent en Inde, un pays réputé pour sa grande spiritualité, mais Couennes dures n’est pas qu’un simple carnet de voyage, ou le récit d’une jeune femme en quête de guérison. Cet album de Valérie Jacques-Bélair, alias Val-Bleu, propose surtout une initiation à la culture et à la mythologie indienne. Elle y dépeint un pays surpeuplé, où les trains et autobus sont toujours bondés, en retard, et tombent régulièrement en panne, explique brièvement le système des castes, aborde le tabou encore bien présent de l’homosexualité, et la cohabitation, pas toujours évidente, entre tradition et modernité.
Elle raconte plusieurs mythes, dont celui des déesses Karni Mata ou Kali, ou encore l’histoire d’Ila, qui alternait entre homme et femme tous les mois, mais elle le fait dans un patois bien de chez nous : « Shiva s’en fout, mais Sati est en crisse. Elle se rend au party, pis la marde pogne avec Daksh ». J’ai beaucoup apprécié cet aspect de la bande dessinée, et j’aurais personnellement pris un livre complet de ces légendes hindoues à la sauce québécoise.
Les dessins de Val-Bleu dans Couennes dures sont plutôt simples et naïfs, et ne possèdent pas vraiment de textures (à part les motifs des tissus indiens), ou de profondeur. L’artiste utilise des couleurs pleines et vives, mais dénuées de dégradés. Malgré tout, sa signature graphique est très personnelle, et agréable à l’œil.
Ses portraits des rues bondées de Delhi débordent de vie, et elle transmet bien la chaleur suffocante, ou la foule dense peuplant chaque lieu de ce pays comptant 1,3 milliard d’habitants. Comme s’ils étaient tirés directement de son cahier de notes, les illustrations de ses résumés de mythologie indienne sont encore plus simplifiées, et présentées en noir et blanc.
Vers la toute fin du récit, elle esquisse des fresques hallucinatoires combinant la vie montréalaise et son accident aux déesses indiennes, ce qui constitue visuellement le point fort de la bande dessinée. L’album se conclut par une biographie et une filmographie de quelques pages pour ceux et celles qui aimeraient se plonger davantage dans la culture du pays.
Quiconque souhaite s’initier à la riche culture de l’Inde et visiter, ne serait-ce que virtuellement, ce pays aux traditions millénaires, ne peut espérer de meilleur guide que Valérie Jacques-Bélair, et son album Couennes dures. Dépaysement garanti.
Couennes dures, de Val-Bleu. Publié aux éditions Mécanique générale, 256 pages.