La danse in situ, dans ce qu’elle offre comme avantages – observer les danseurs de très près –, peut aussi parfois constituer son handicap dans la mesure où, justement, voir de trop près gâche parfois le plaisir. Ce n’est pas le cas de Superheroes Cry Too, grâce à l’atmosphères sombre et la musique entrainante et bien dosée en décibels qui met le spectateur dans un état de demi-rêve assez intéressante.
Cinq artistes dans une grande salle où les spectateurs déambulent, sans véritable scène, mais en différents espaces. Une ambiance de boite de nuit. Un DJ. Des vidéos projetées sur un mur. Des paroles qui font état du mal-être que chacun peut ressentir, avec des émotions telles que la colère, la peur, le découragement, la difficulté d’aimer et d’être aimé. Des éléments extérieurs, visibles ou invisibles, qui contrarient la faculté de se mouvoir. Quatre danseurs que l’on peut observer de très près, à la manière des spectacles in situ.
Superheroes Cry Too explore ainsi la vulnérabilité à travers la danse de rue, la musique, la performance, la video et l’installation.
Sur une première scène, six poignées ventouse fixées au sol donnent l’occasion à un danseur exceptionnel de proposer une performance énigmatique et très réussie. En glissant sur le sol et en passant subtilement d’un appui à l’autre, les mouvements de son corps, même si celui-ci demeure à l’horizontale, évoquent une chute vertigineuse où l’artiste – comme par miracle – trouverait où s’accrocher et éviter l’écrasement. Ce danseur a une intelligence de son corps vraiment étonnante et il se produit plus tard, dans la dernière séquence, pour une performance peut-être encore plus réussie : avec deux autres artistes, il glisse non plus allongé sur le sol, mais debout, comme si un vent ou une force presque irrésistible s’opposait à lui. Tout à fait remarquable!
Deux autres séquences mettent en scène d’autres artistes. L’une, où une sorte de créature à huit jambes, les siennes plus six en tissus remplis de tulle, manifeste différentes émotions sur son visage et dans tout son corps. L’autre où un homme est enfermé dans un cadre au milieu de bandes élastiques desquelles il essaye de se sauver. L’homme danse adroitement à travers ses entraves sans s’emmêler, mais en s’en mêlant quand même.
Ainsi, à chacune de ces performances, on perçoit en sous-texte la difficulté de vivre et d’affronter les obstacles, parfois extérieurs, souvent intérieurs ou encore extérieurs, mais que l’on combine savamment, et à notre insu, avec ses propres empêchements.
Superheroes Cry Too
Danse Cité
Par la compagnie FRGMNT
Performances : Ja James ‘Jigsaw’ Britton, Victoria ‘VicVersa’ Mackenzie, Nubian Nene, Mukoma-K. ‘J. Style’ Nshinga, Richard ‘Shash’U’ St-Aubin
Du 8 au 11 décembre 2022 au Ausgang Plaza, à Montréal.