C’est pour répondre à l’invitation d’un festival en Suisse (Lugano Dance Project 2022), dont la thématique était le Monte Verità, que la danseuse et chorégraphe québécoise Virginie Brunelle a conçu le spectacle intitulé Fables, proposé au théâtre Maisonneuve dans le cadre de Danse Danse.
Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, cet endroit attira des anarchistes russes et de nombreux artistes et penseurs. Depuis lors, ce lieu s’est doté d’une tradition avant-gardiste de lutte politique et artistique où fleurissent les utopies et les causes aussi variées que le végétarisme, le nudisme, le retour à la terre, l’émancipation de la femme, l’art moderne ou la danse expressionniste.
Avec ses 12 danseurs virtuoses, le spectacle est construit selon différents tableaux où la danse rivalise avec la théâtralité. Les artistes ne prononcent pas de mots, mais ils sont remplacés par les sons de leurs corps qui s’entrechoquent, ceux de leurs souffles, de leurs cœurs ou de leurs cris.
Le premier tableau met en scène des rencontres à deux qui se font davantage sur le mode de la rivalité ou de la lutte – non sans violence – que de la tendresse, même si celle-ci apparaît malgré tout. Tous les danseurs, hommes et femmes, sont vêtus des mêmes tenues, pantalons et vestons sur leurs torses dénudés. Un preneur de sons avec son micro au bout d’une perche semble servir d’arbitre à cette folie ambiante pour en être atteint lui-même à la fin. La musique qui accompagne les cris et les claquements des mains sur les corps est douce. Et l’on comprend qu’il s’agit peut-être de nous faire percevoir la difficulté de la rencontre amoureuse actuelle, plutôt basée sur la rivalité ou l’incompréhension que sur l’amour.
À ce premier tableau en succède plusieurs autres pour lesquels la thématique est parfois difficile à déchiffrer, mais qui ravissent le public par leurs chorégraphies et à leur exécution parfaite.
Un tableau particulièrement intéressant et spectaculaire est celui où l’on assiste au destin d’une femme de sa naissance à sa fonction de génitrice. L’humour n’y est pas absent. L’enfant est initiée comme un robot à marcher, à crier, à jouer… Puis elle doit se marier et mettre au monde à son tour des enfants. Virginie Brunelle a l’audace d’user de moyens spectaculaires qui inondent la scène de leur beauté.
D’autres tableaux sont ainsi présentés où l’on sent une intention précise de la chorégraphe, mais qui peuvent être interprétés à leur guise par les spectateurs. Un pianiste interprète sur scène des créations originales. Et en transversale du spectacle, surgit par moments une drôle de créature féminine à quatre jambes qui ricane et semble peut-être s’amuser de l’évolution de la société guidée par certaines de ces idées utopiques initiales.
Fables
Virginie Brunelle
Danse Danse
Du 30 novembre au 3 décembre 2022 au théâtre Maisonneuve à Montréal