Les parenthèses ne suscitent pas l’optimisme, à la veille de la rencontre de Montréal sur la biodiversité. Les parenthèses, ou plus précisément, les crochets [ ], sont l’outil utilisé par les négociateurs pour indiquer qu’une portion d’un texte fait encore l’objet de débats. Et dans le cas du texte susceptible de servir d’entente finale à cette rencontre, les parenthèses sont particulièrement nombreuses dans les sections où on aimerait avoir des cibles précises.
« Les parenthèses sont apparues avec une vigueur particulière dans les sections qui pourraient faire la plus grande différence en raison de leur précision, de leur ambition ou de leur nouveauté conceptuelle », résume l’écologiste Sandra Díaz, du Conseil de recherche scientifique et technique d’Argentine.
Elle rappelle que le premier jet de ce « Cadre mondial de la biodiversité » (Global Biodiversity Framework), en 2021, mentionnait qu’espèces, écosystèmes, diversité génétique et contribution de la nature, devaient tous être associés à des résultats spécifiques et vérifiables. Dans la dernière version, juge-t-elle, le paragraphe est devenu « vague et verbeux ».
Le « Cadre » en question est l’entente internationale qui doit succéder aux Cibles pour la biodiversité, adoptées à Aichi en 2010: les différents pays avaient alors identifié 20 cibles pour 2020. Aucune n’a été atteinte: un échec reconnu officiellement par la Convention sur la diversité biologique, l’organisme des Nations unies qui chapeaute ces négociations depuis 1992.
Pourront-ils faire mieux lors de leur 15e Conférence des parties (COP15) qui aura lieu à Montréal du 7 au 19 décembre? Les observateurs aiment répéter que les sociétés sont plus conscientes qu’en 2010 des risques que court la biodiversité, et des impacts liés à la disparition d’un écosystème.
La communauté scientifique est elle aussi mieux préparée, rappelle Sandra Díaz. Il y a eu en 2020 le premier rapport intergouvernemental sur les « services » que nous rend la nature, de même qu’une série de recommandations pour le futur Cadre, émises par un panel international d’experts de la biodiversité: des cibles concrètes, « traçables et coordonnées »; une prise en compte de la nature dans les processus décisionnels, plutôt qu’une protection formelle d’une poignée d’écosystèmes marquants; et une prise en compte des causes profondes de la perte de biodiversité, soit la façon dont nous produisons et consommons, ainsi que ce que nous encourageons à travers nos subventions à l’agriculture, à l’industrie forestière ou à celle des carburants fossiles.
Parmi les cibles identifiées dans le brouillon : protéger au moins 30 % des territoires à travers le monde d’ici 2030 — à l’heure actuelle, 15 % des terres et 7,5 % des océans sont protégés.
Il faut toutefois se rappeler que ce document final ne peut être adopté que par consensus.