Eddy Bellegueule, alias Édouard Louis, est un jeune écrivain français brillant et engagé, dont les écrits sont souvent autobiographiques. Son roman Qui a tué mon père a été adapté pour le théâtre dans plusieurs pays européens et aux États-Unis, et c’est dans une mise en scène de Jérémie Niel qu’on peut le voir en ce moment au Quat’Sous, à Montréal.
En arrière-texte, ce sont les thèmes de prédilection d’Édouard Louis qui apparaissent dans cette pièce, à savoir l’amour, la violence, la domination masculine, une certaine vision de la politique…
Deux acteurs trônent sur scène dans des décors qui se réduisent comme peau de chagrin. Le père est totalement silencieux et son fils – dans un monologue intérieur monocorde – traverse une enfance dans un milieu ouvrier pauvre d’une petite ville laide et grise à quelques kilomètres de la mer.
Le père, encore assez jeune, est très diminué physiquement par de multiples problèmes de santé et, on l’apprend ensuite, un accident du travail majeur qui l’obligea à quitter un emploi en usine pour pire encore, un autre de balayeur.
Comme un peu dans toute famille, c’est l’incompréhension des générations qui domine, avec méfiance, mais amour, silences et mésinterprétations, déceptions et révoltes face à certaines prises de position opposées aux ressentis de chacun, vulnérabilité extrême de ses membres familiaux qui peinent à exprimer leurs sentiments.
Tous ces aspects sont émouvants et ils se rapprochent des expériences que chacun peut avoir avec les personnes qui lui ont donné le jour et, ensuite, avec ses enfants.
La pièce est interrompue par des temps dans l’obscurité avec musique très forte, pour marquer la succession des thèmes et manifester la violence qui sourd derrière les souvenirs assumés et calmes en apparence du protagoniste.
Progressivement on comprend que les souvenirs du fils semblent ne servir qu’à alimenter des convictions politiques plutôt radicales.
Le père, comme beaucoup de personnes issues des milieux ouvriers, se reconnait dans l’extrême droite, tandis que le fils se situe bien à gauche de l’échiquier politique.
Et ce sont les accusations contre les régimes en place en France qui répondent à la non-question de qui a tué le père du protagoniste, auteur du texte. Car le titre ne comporte pas de point d’interrogation. C’est juste une réponse sans beaucoup de nuances à une certitude du fils, comme celles de tous ses points de vue sur l’état de la société et ceux qui sont supposés en être responsables.
À la fin de la pièce, on notera que comme on le dit dans le langage courant, il y a bien une connexion entre les extrêmes qui se rejoignent naturellement.
Qui a tué mon père
Production de Pétrus en codiffusion avec le Théâtre de Quat’Sous
Texte Édouard Louis | Mise en scène Jérémie Niel | Assistance à la mise en scène Ariane Lamarre et Erika Maheu-Chapman | Interprétation Félix-Antoine Boutin et Martin Faucher | Conception sonore Sylvain Bellemare et Francis Rossignol | Lumière Cédric Delorme-Bouchard | Costumes Léonie Blanchet | Accessoires Marisol Vachon | Spatialisation et sonorisation Jérôme Guilleaume
Qui a tué mon père, du 22 novembre au 10 décembre 2022 au Théâtre de Quat’Sous, à Montréal