Chez nos voisins du Sud, les locataires forment plus du tiers de la population (soit près de 120 millions de personnes), mais une nouvelle étude de l’Université de Géorgie suggère qu’ils sont très largement sous-représentés à tous les paliers de gouvernement.
La recherche a ainsi révélé que près de 93 % des élus du Congrès (Chambre des représentants et Sénat), des juges fédéraux, des maires, des élus municipaux, des parlementaires des États, ainsi que des gouverneurs sont des propriétaires. Et selon les chercheurs, le véritable pourcentage est probablement plus élevé.
Les auteurs des travaux ont combiné les données concernant 10 800 responsables aux registres des propriétaires d’immeubles et à d’autres bases de données pour estimer le taux de locataires qui se présentent aux élections – et qui sont élus.
S’ils se sont concentrés principalement sur 1800 élus municipaux et maires répartis à travers les 190 principales villes des États-Unis, les chercheurs ont constaté que plus de 90 % des décideurs locaux étaient probablement propriétaires. De fait, les maires et les conseillers municipaux avaient 38 % plus de chances de posséder une maison que le résident moyen de leur ville.
« Pour moi, la conclusion la plus surprenante est que même dans des lieux comme New York City, Boston ou San Francisco – où la population est très largement formée de locataires –, les conseils municipaux sont dominés par des propriétaires », a mentionné Joseph Ornstein, l’un des auteurs de l’étude.
Le manque de représentation au sein des gouvernements locaux, étatiques et fédéral fait en sorte que les locataires sont désavantagés lorsqu’il est question de mettre au point des politiques publiques.
« Les gens qui sont présents, dans les lieux de pouvoir, sont ceux qui créent les politiques. Si vous n’êtes pas présents, alors votre ordre du jour n’est même pas ajouté à celui des autres, sur la table », a ajouté M. Ornstein.
Les propriétaires avantagés par le zonage et les politiques fiscales
De précédentes études ont déjà démontré à quel point les politiques restrictives en matière de zonage, qui interdisent notamment les maisons à plusieurs ménages, favorisent les propriétaires par rapport aux locataires, tout comme des décennies de politiques du gouvernement fédéral, y compris en ce qui concerne des déductions fiscales liées aux hypothèques.
M. Ornstein et ses collègues ont précédemment documenté le fait que les personnes qui sont propriétaires sont davantage portées à participer à l’activité politique. Ils votent plus souvent, particulièrement lors des élections municipales qui influencent les futures règles de zonage et d’utilisation des terres, et sont plus portés que les locataires à assister aux rencontres des conseils municipaux et des commissions de planification.
Les propriétaires sont aussi eux-mêmes davantage portés à être candidats aux élections.
Et sans surprise, une fois qu’ils sont élus, ces propriétaires ont tendance à faire la promotion de politiques qui permettent de maintenir ou d’accroître la valeur des propriétés.
« Nous avons constaté une augmentation sans précédent des prix des maisons, au cours de la dernière décennie, et que cela soit bon ou mauvais, pour vous, dépend du fait d’être ou non propriétaire », mentionne M. Ornstein. « Si vous possédiez une maison, au cours de la dernière décennie, c’est fantastique! Vous êtes maintenant deux fois plus riche que vous ne l’étiez il y a une décennie. »
Les locataires, pour leur part, paient presque deux fois plus cher qu’ils ne le faisaient avant ce boom immobilier.
« Si la plupart des élus sont des propriétaires, alors le gouvernement a moins tendance à considérer cette hausse des prix de l’immobilier comme une crise ayant urgemment besoin d’une solution », a poursuivi le chercheur.
« Je crois qu’il y a bien des gens qui louent leur logement et qui sont affectés par des politiques votées par leur conseil municipal, mais qui ne pensent pas à se lancer en politique. Mais ce sont des résidents de la communauté, et ils méritent que leur voix soit entendue. »
La représentation des locataires peut avoir un grand impact sur les politiques publiques. À Minneapolis, au Minnesota, par exemple, une récente augmentation du nombre de locataires siégeant au conseil municipal a permis de faire adopter une série de lois favorables aux locataires, y compris des protections contre les propriétaires et une vaste modification des zonages à travers la ville, ce qui permet la construction de duplex et de triplex dans des quartiers qui étaient autrefois réservés aux maisons unifamiliales.
« Cela s’est fait malgré la forte opposition de plusieurs propriétaires de la ville, mais c’est quelque chose qui, puisque le conseil municipal a de l’expérience en matière de location de logement, et a vécu le coût écrasant des loyers dans une ville au coût de la vie important, a été traité en priorité », a encore dit M. Ornstein.
« Et ils ont pu faire adopter les lois nécessaires. »