Les attentes pourraient difficilement être plus grandes pour la suite du réputé Black Panther, film qui a fait l’histoire pour d’innombrables raisons, incluant son rôle pour la représentation des Noirs dans l’univers des superhéros. Cessons alors tout de suite le suspense en mentionnant d’emblée que malgré tout le poids et la pression sur ses épaules, Wakanda Forever est entièrement digne de la tâche qui lui a été reléguée : rendre hommage avec force et beauté.
Hommage oui, puisque ce nouvel opus ne perd pas de temps pour entrer dans le vif du sujet : la mort de T’Challa, le Black Panther qu’on a appris à connaître et aimer sous les traits de l’incomparable Chadwick Boseman.
Hommage, également, puisque comme c’est le cas de nombreux films consacrés à un superhéros en particulier, on limite au minimum les références à l’univers principal (un cameo fera néanmoins certainement plaisir à beaucoup) pour mieux se concentrer sur le microcosme en question. Et si la fragilité et la détresse se pointent un peu partout, on garde continuellement l’accent sur un sentiment d’unité et le désir de tout donner pour préserver l’honneur et la cohésion d’un tout, qu’importe ce qui peut affecter les fondations, ce qui fait indéniablement ressortir les qualités de ce monde fictif qui fait rêver.
On pourrait accuser Marvel de faire dans la redite, comme c’est plus ou moins ce genre de prémisse qu’on a vu dans des Thor, des Shang-Chi ou même des Doctor Strange, mais c’est peut-être ici que le principe est le plus utile, puisque Wakanda n’est pas qu’une simple communauté, mais bien un pays complet qui se veut miroir d’un idéal auquel on ne pourrait qu’aspirer.
Certes, le rythme pourrait paraître un peu lent dans la première partie, qui est victime logiquement de la noirceur qui s’est emparée sans le vouloir de la franchise, tout comme de l’exploration des répercussions d’à la fois le prologue du film en question, mais aussi de la scène de mi-générique du premier film, sauf qu’il faudra avouer que tout est surtout mis en place pour une puissante deuxième partie qui fait état d’un scénario des mêmes auteurs décidément plus riche et accompli qu’au premier tour. Là où le premier film finissait par battre un peu de l’aile, cette suite en profite pour renaître et dépasser ses propres sommets. Ensuite, plus rien ne semble l’arrêter.
Ode à la force féminine déjà bien présente par le passé, le long-métrage trouve en Shuri notre double fictif qui doit passer par toute la gamme d’émotions qu’on associe à la douleur et l’incompréhension du deuil et de la mort d’un être cher.
Celle qui servait majoritairement de ressort humoristique au premier tour se voit doter d’un défi de taille, permettant désormais à l’immense Letitia Wright de faire montre de l’énorme étendue de ses talents, face à un rôle à l’importance renouvelée et à la profondeur digne de son interprète.
On a également le privilège de voir l’excellente distribution briller tour à tour, de la féroce Angela Bassett (véritablement impériale) à la délicate Lupita Nyong’o en passant par l’implacable Danai Gurira, auxquels l’apport de Winston Duke ou Dominique Thorne ne devrait certainement pas être pris à la légère.
En soi, le film devient alors une façon de vivre ensemble le deuil immense qui a touché toute la planète face à la nouvelle tragique et on pourrait difficilement lui en être plus reconnaissant.
Mieux encore, comme ce fut le cas depuis bon nombre de films du MCU, celui qui fait office de méchant est bien loin d’être entièrement noir ou blanc et permet encore admirablement d’explorer les fascinantes parties grises, en plus de sonder les travers pas toujours simples de la conscience humaine. Si la présence charismatique de Tenoch Huerta aide, tout comme de celles de plusieurs autres acteurs et actrices mexicains, c’est aussi une excellente possibilité d’explorer de nouveaux territoires (c’est encore possible!) soit les profondeurs de l’océan. Et franchement, disons que c’est fait de formidable façon, de quoi faire pâlir d’envie tous les Aquaman de ce monde.
Il faut dire que toute l’équipe reconnue par l’Académie revient presque intégralement et qu’il ne serait pas surprenant que le compositeur Ludwig Göransson (dont plusieurs explorations musicales rappellent les trouvailles de Cristobal Tapia de Veer pour la télésérie The White Lotus) et la costumière Ruth E. Carter attirent encore l’attention des cérémonies prestigieuses, tellement leur travail s’avère une fois de plus très raffiné.
Le remplacement de la responsable des images du premier film par Autumn Durald Arkapaw est toutefois plus que notable. Bien qu’il y ait peut-être un peu trop de scènes se déroulant dans l’obscurité, la splendeur qu’elle offre au regard risque de mieux passer l’épreuve du temps, alors que visuellement le premier Black Panther commence déjà à mal vieillir, malgré les minces quatre ans qui nous en séparent.
Ici, les effets spéciaux sont immensément réussis. Comme quoi le cinéaste Ryan Coogler essaie peut-être moins d’en mettre plein la vue (au premier tour il s’était permis d’impressionnants plan-séquences lors de ses scènes d’action, ce qui n’est plus le cas ici et on a limité les passages « rêvées ») et de davantage s’efforcer de satisfaire. On lui en est gré puisque le savoir-faire est plus palpable que jamais.
L’adage ici est donc moins de faire plus (sauf peut-être cette durée probablement un brin excessive), mais certainement de faire mieux. Black Panther : Wakanda Forever s’y conscrit entièrement surtout en considérant cette culmination merveilleuse d’émotions qui demande certainement aux mouchoirs de ne pas se tenir trop loin. Si rien ici ne fait office de révolution, on salue l’émouvant hommage qui garde l’honneur sauf dans ce qui est indubitablement une franche réussite.
À noter que tout en respect pour leur ami mais en conservant la tradition, il n’y a qu’une scène au milieu du générique.
8/10
Black Panther : Wakanda Forever prend l’affiche ce vendredi 11 novembre. Plusieurs représentations ont lieu ce jeudi.