Les films de guerre sans extraterrestres ou superhéros n’ont pas spécialement la cote, ces temps-ci, à Hollywood. Et encore moins les films racontant une guerre vieille de plus d’un siècle dont la brutalité n’a d’égale que son absence d’égard pour la vie humaine. Cela tombe bien, le réalisateur Edward Berger n’a que faire du milieu du cinéma américain, et son plus récent film, une nouvelle adaptation du classique À l’Ouest, rien de nouveau, court-circuite l’establishment et sort sur Netflix.
Sorti en 1928, avec une première adaptation aussi rapidement que deux ans plus tard, À l’Ouest, rien de nouveau est un fantastique roman d’Erich-Maria Remarque qui non seulement raconte les horreurs de la Première Guerre mondiale, mais qui les raconte du point de vue des Allemands, chose que l’on ne voit pas souvent.
Après tout, la Deuxième Guerre mondiale a pour toujours catégorisé les Allemands comme étant « les méchants », alors que lors du conflit de 1914-1918, les rôles des différentes puissances étaient beaucoup moins bien définis. N’a-t-on pas eu droit, en fait, à de l’étripage entre grandes puissances européennes, entre nations industrialisées qui, poussées par une ferveur nationaliste sans précédent depuis 40 ans, ont mis en application le principe de la guerre totale, sans égard aux conséquences humaines?
Et nous voilà donc, en 1917, en Allemagne, alors qu’une nouvelle cohorte de jeunes étudiants, sur le point d’entrer à l’université, se dirige plutôt vers l’armée, poussée en ce sens par leurs professeurs, aînés et autres prédécesseurs, qui brandissent l’épée du conflit en affirmant que le moment est venu de défendre la mère patrie et de se couvrir de gloire.
Mais une fois dans les tranchées, voilà nos jeunes soldats qui déchantent vite. Et au fil du film, les cinéphiles suivront les terrifiantes et horribles péripéties de Paul, l’un de ces jeunes hommes marqués à jamais par l’horreur de la guerre.
Loin d’être un héros, Paul court quand il se fait dire de courir, tue quand on lui commande de tuer, et tente généralement de survivre, peu importe ce que cela exigera. Sans jamais de nouvelles de sa famille – du moins, rien qui ne soit montré à l’écran –, ce jeune homme gagnera très rapidement en maturité, à mesure qu’il connaîtra son lot de tueries, de bombardements meurtriers, de morceaux de chair humaines qui partent dans tous les sens quand un camarade est fauché par le tir d’une mitrailleuse ou par un obus.
Il y a d’ailleurs des moments où la violence est presque insupportable. Non pas parce que sa représentation est nécessairement sanguinaire ou volontairement cruelle, mais plutôt parce que la Première Guerre mondiale fut l’un des pires charniers de l’histoire. Certes, la guerre de 1939-1945 tua plus de gens, mais celle de 1914-1918, avec ses gaz de combat, ses barrages d’artillerie incessants, ses maladies des tranchées, ses assauts inutiles et souvent suicidaires… Avec tout cela, la Première Guerre mondiale mérite son triste surnom de Grande Boucherie.
Outre la violence, le réalisateur opte pour certains choix artistiques qui peuvent surprendre, mais qui, finalement, s’intègrent bien dans le contexte du film. C’est notamment le cas pour ces élans inquiétants de musique électronique, à quelques endroits des 147 minutes du film. On pourrait croire que pour une oeuvre qui raconte un conflit vieux d’un siècle, on s’en tiendrait aux cors et à la musique classique. Mais cet ajout de synthétiseurs apporte une sonorité quasiment extraterrestre. Un peu comme ces soldats, sortis de leur ville natale, débarquent dans un paysage lunaire constellé d’obus où tout n’est que boue, explosions, mort et attente de l’inévitable. Cette guerre n’est plus celle des hommes; c’est la première guerre des machines.
Pour tout cela, sans oublier pour le très bon jeu des acteurs, À l’Ouest, rien de nouveau, cuvée 2022, est non seulement meilleur que le film original, mais aussi plus intéressant que 1917, ne serait-ce que pour son réalisme.
Non, il ne faut pas s’attendre à passer un bon moment en regardant À l’Ouest, rien de nouveau, mais qui a dit que les films devaient absolument – et uniquement – divertir?