La rhétorique de la nostalgie est utilisée par des partis et des mouvements politiques autant à gauche qu’à droite du spectre politique, alors que ceux-ci imaginent et utilisent des versions différentes du passé. De nouveaux travaux de recherche révèlent toutefois que les idées à propos d’une population homogène sont centrales à l’idéalisation du passé par les populistes de droite et l’extrême droite.
La mondialisation, le passage au numérique, la guerre, l’inflation, les changements sur le marché du travail et les inégalités croissantes sont autant de tendances contemporaines qui poussent les groupes politiques à se tourner vers la nostalgie.
Ainsi, le « Make America Great Again » de Donald Trump et le « Take Back Control » des partisans du Brexit sont deux de nombreux exemples récents de campagnes politiques marquées par la nostalgie.
« Lorsqu’il est question de nous orienter dans un monde en pleine transformation, plusieurs personnes regardent vers l’arrière, plutôt que vers l’avenir, parce que cela semble plus sûr. C’est à ce moment que la rhétorique devient facilement accessible et importante », mentionne Gabriella Elgenius, professeure de sociologie à l’Université de Gotenbourg.
En compagnie de Jens Rydgren, professeur de sociologie à l’Université de Stockholm, elle a étudié le rôle de la nostalgie nationaliste en politique. Leur recherche visait à démontrer comment la nostalgie devient un outil rhétorique entre les mains des populistes et de la droite radicale. Les deux spécialistes ont examiné ce phénomène en observant des campagnes électorales au Royaume-Uni, en Pologne, aux Pays-Bas, au Liban, aux États-Unis et en Suède, entre autres pays.
En Suède, les experts ont également analysé les manifestes des partis et les justificatifs de diverses politiques, ainsi que des articles de publications partisanes, pour voir commenter la vision de problèmes et de solutions à travers le prisme de la nostalgie a changé avec le temps.
Selon les chercheurs, au coeur de la nostalgie nationaliste, on trouve la notion voulant que le passé est supérieur au présent. Les nationalistes regardent vers le passé pour y trouver un âge d’or, qui se compare favorablement au présent. Au même moment, la société contemporaine est vue comme étant en train de s’effondrer, et donc, quelque chose de vital a été perdu. Ce discours portant sur la perte peut s’articuler autour de thèmes comme le bien-être, la sécurité, l’identité ou les opportunités. Et l’angle spécifique de la nostalgie varie en fonction du contexte local, du parti politique et des orientations politiques, affirme l’équipe de recherche.
« Chez la droite radicale, la nostalgie est souvent liée à l’idée de la décadence, que la nation se délite, principalement en raison de l’immigration non-européenne, et que des gestes politiques immédiats sont nécessaires pour éviter une catastrophe », mentionne Jens Rydgren.
Le nationalisme ethnique au coeur de la nostalgie de l’extrême droite
En Suède, c’est souvent la période autour des années 1950 et la mise en place du concept politique de la « maison du peuple » qui sont idéalisées. Même si ce projet était mis de l’avant par les sociaux-démocrates suédois, les chercheurs affirment que cette période devient intéressante pour la droite radicale, parce qu’elle englobe l’idée d’un peuple uni et d’une identité suédoise.
Dans leurs travaux, Gabriella Elgenius et Jens Rydgren affirment démontrer que ce sont les idées à propos de ce qui constitue le peuple, mises de l’avant à travers le nationalisme ethnique, qui distingue la rhétorique nostalgique utilisée par les populistes de droite et la droite radicale des autres partis et mouvements populistes.
« Le nationalisme ethnique fait référence à une compréhension de la nation consistant en des composantes partagées, et que le peuple partage une histoire et des origines, peut-être aussi une religion et une langue », explique Mme Elgenius.
Ce genre de nostalgie vient renforcer l’idée qu’il existait une époque où les citoyens se ressemblaient davantage, et que cela était une bonne chose, alors que nous devenons maintenant plus différents, et que c’est un problème.
Polarisation et mise de côté des vrais enjeux
Utiliser la nostalgie pour exagérer les similarités au sein de la population peut être à la fois discriminatoire et polarisant, soutiennent les chercheurs.
« Cela devient dangereux si la notion de similarité est utilisée contre d’autres groupes, ce qui se produit de nos jours. La nostalgie aide à formuler une rhétorique qui cible les immigrants, en affirmant qu’ils ne devraient pas être là, qu’ils enlèvent des ressources de l’État-providence et qu’ils commettent des crimes. Cela alimente le ressentiment », a encore indiqué Mme Elgenius.
Cette rhétorique est aussi erronée de plusieurs autres façons, dit-elle.
« Cela offre une explication très simplifiée aux problèmes complexes de notre société contemporaine, plutôt que de s’attaquer aux vrais enjeux, comme les inégalités socio-économiques. »