Coup sur coup cette semaine, trois rapports ont apporté un regard différent sur l’avenir : deux tracent un portrait sombre des promesses des différents pays, et un offre une leur d’espoir… grâce à la guerre en Ukraine.
Le premier rapport provient du bureau des Nations unies chargé de compiler les promesses de réduction des gaz à effet de serre faites par les pays. Il souligne que seulement 24 pays ont soumis des mises à jour de leurs promesses de l’an dernier. Et celles de l’an dernier étaient nettement insuffisantes pour empêcher de dépasser la cible de 2 degrés d’ici la fin du siècle, encore moins celle de 1,5 degré. En fait, au rythme actuel, la cible de 1,5 degré sera dépassée vers 2032.
- Explication – « Cible de 1,5 degré » ou « cible de 2 degrés » : il s’agit de l’augmentation de la température moyenne de la Terre par rapport aux siècles d’avant la Révolution industrielle, où nous avons commencé à utiliser à grande échelle le charbon, puis le pétrole. À l’heure actuelle, nous en sommes à une augmentation de 1,2 degré.
Le deuxième rapport va encore plus loin: le Programme des Nations unies pour l’environnement décrit comme « tristement insuffisants » les plans de réduction des différents pays du monde. Si la trajectoire actuelle est maintenue, c’est à une augmentation de 2,6 degrés par rapport à l’ère pré-industrielle qu’on doit s’attendre. Les quelques rares mises à jour depuis l’an dernier enlèvent à peine 1% des émissions de gaz à effet de serre prévues pour 2030.
- Explication – Promesses des différents pays : en vertu de l’accord de Paris de 2015, les pays devaient soumettre des promesses de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’ici 2050, puis une mise à jour tous les cinq ans. Lors de la rencontre de l’an dernier (COP26, tenue en Écosse), il avait été convenu qu’ils soumettraient une nouvelle mise à jour en vue de la rencontre de cette année (COP27, en Égypte la semaine prochaine).
Le troisième rapport, celui qui apporte une note optimiste, arrive de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). On y lit que la guerre en Ukraine aurait l’impact inattendu d’accélérer la transition vers les énergies vertes. C’est la première fois qu’un rapport annuel de l’AIE (World Energy Outlook) conclut que la demande en carburants fossiles va bientôt atteindre un sommet, même avec les politiques actuelles des différents pays. Ce sommet est prévu pour environ 2035.
C’est un changement que l’AIE qualifie d’irréversible : les investissements actuels des pays pour se libérer de leur dépendance au pétrole ou au gaz accéléreront dans les années 2030 le déploiement de panneaux solaires, d’éoliennes ou de véhicules électriques.
Mais même un déclin des énergies fossiles après ce sommet n’empêchera pas l’accumulation des gaz à effet de serre de se poursuivre pendant des décennies, puisqu’il faudra un temps indéterminé pour réduire leur production de façon significative. À ce titre, les trois rapports sont sur la même longueur d’onde: il subsiste un écart énorme entre les ambitions « officielles » des pays — limiter le réchauffement à 2 degrés, voire à 1,5 degré — et la réalité. Car non seulement peu de pays ont-ils soumis des mises à jour cette année, mais ils sont peu nombreux à respecter leurs propres promesses.
Planifier à long, mais aussi à court terme
En théorie, si tous les pays réalisaient toutes leurs ambitions climatiques et atteignaient tous leurs objectifs de carboneutralité dans quelques décennies, le réchauffement à la fin du siècle serait de 1,8 degré. C’est en considérant plutôt là où en sont réellement les pays en ce moment que le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) en arrive à cette estimation de 2,6 degrés d’augmentation. « Il y a un risque à trop se concentrer sur un futur trop éloigné », explique Anne Olhoff, de l’UNEP, en référence à ces cibles « dans quelques décennies ». « Les cibles zéro-carbone sont très importantes, mais ce qui est tout aussi important, c’est de rester attentif aux actions à court terme. »
- Explication – Écarts : une autre façon de faire tous ces calculs est de dire que, pour se limiter à une augmentation de 1,5 degré, il faudrait avoir réduit, d’ici 2030, les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43% par rapport à leur niveau de 2019. D’après le rapport du PNUE, on est plutôt sur une trajectoire de réduction de 3,6%, en 2030, par rapport à 2019.
La raison pour laquelle ces seuils de 1,5 ou de 2 degrés sont importants: la science a réalisé au cours du 20e siècle qu’il y avait des limites au-delà desquelles certains systèmes écologiques étaient perturbés de manière irréversible. Qu’il s’agisse des glaces du Groenland, des coraux australiens ou de l’Amazonie, l’objectif sous-jacent de ces seuils est donc d’éviter de dépasser les points de non-retour.