Michel Hazanivicus est de retour, ce rare cinéaste français oscarisé (s’il n’est pas le seul d’ailleurs) s’intéressant à nouveau à son amour infatigable pour le septième art. Cet amoureux des pastiches ne signe toutefois pas une merveille comme L’artiste, mais une nouvelle lettre d’amour intitulé Coupez! sous forme de remake qui n’a toutefois pas le brio de son premier OSS 117 : le Caire, nid d’espions.
Voilà un drôle de film à critiquer, puisque sa source est le genre de création où il faut en savoir le moins possible pour maximiser à la fois sa satisfaction et son plaisir. Toutefois, la version française s’avère être un remake si près de son origine qu’on ne sait pas trop s’il s’adresse vraiment à ceux qui ont vu One Cut of the Dead, l’original japonais, ne serait-ce que pour le jeu des comparaisons (qui risque toutefois de lui nuire), ou aux novices qui ne savent rien et à qui il vaudrait mieux, comme dit précédemment, de justement ne rien leur dire…
Essayons donc d’en faire la critique et d’en parler juste assez, sans pour autant tout dévoiler, au cas où.
Le succès derrière One Cut of the Dead, ce film étudiant devenu oeuvre culte aux recettes inestimables, est le genre de rêve auquel aspire probablement tous les jeunes créateurs qui se lancent dans l’industrie cinématographique.
Véritable ode à la passion douce-amère de la création, voilà un long-métrage qui présentait une idée d’une originalité implacable en s’intéressant à sa manière au tournage d’un film de zombies qui dérape, lorsque l’équipe devient elle-même la proie d’une véritable attaque de morts-vivants. Victime toutefois de ses moyens, disons que l’exécution était souvent à la hauteur de ses limites et malgré tout le génie derrière la prémisse, l’écoute s’en voyait régulièrement affectée par un projet de haut calibre avec les allures d’une vulgaire série Z.
Bien qu’on comprend le désir de ne pas dénaturer l’œuvre initiale et plutôt de lui rendre hommage, il y aurait eu moyen d’insuffler un peu de tonus au long-métrage d’origine et de profiter pleinement de ses moyens beaucoup plus importants pour en faire quelque chose de plus satisfaisant que cette vulgaire reprise de cette histoire en trois temps.
D’un amoureux de l’absurde, de la fantaisie et d’une rigueur certaine comme Hazanivicus, on s’attendait certainement à mieux, surtout considérant qu’il a assuré en totalité l’écriture ou la réécriture du scénario d’origine.
Il en va de même qu’en gardant presque intact tout ce qui a été fait auparavant, mais en lui conférant une réalité française non seulement actuelle, mais également consciente du film précédent, cela finit par affecter gravement la logique interne. Comment peut-on croire que tout ce qui s’est déroulé auparavant arrive à se passer encore à la seconde près, comme c’était le cas jadis, sans que jamais personne ne pense à anticiper quoique ce soit. La présence de Yoshiko Takehara, qu’on reconnait du film long-métrage original et qui ne reprend pourtant pas son rôle initial, ajoute aux nombreuses confusions scénaristiques.
Il y a pourtant quelques trucs qui sont très bien et qui fonctionnent de manière fort efficace dans la comparaison de la réalité japonaise face à celle européenne; les gags semblent d’ailleurs mieux huilés et fluides que dans le film d’origine, principalement à l’aide d’un nouveau lieu plus grandiose qui se joue encore plus habilement des distances, mais aussi de l’ajout d’un personnage sonore et musical interprété avec un sens du timing comique indéniable par le savoureux Jean-Pascal Zadi.
La distribution est aussi d’un calibre différent puisqu’on a affaire ici à des acteurs de renom alors que quiconque a vu le film original avec l’idée du remake en tête pouvait déjà imaginer Romain Duris et Bérénice Bejo dans les rôles-titres et disons que leur dévotion aux rôles ne déçoit aucunement. À leur côté, Grégory Gadebois amuse également beaucoup.
Il y a par contre cette équipe technique (la vraie) qui surprend. Hazanivicus se voit ici entouré de collaborateurs tous nouveaux, lui qui a pourtant l’habitude de ramener presque systématiquement les mêmes. S’il y a bien le compositeur Alexandre Desplat qui s’amuse légèrement (lui qui n’a pas toujours l’occasion de participer à un film de chez-lui), disons que l’expérience moins imposante de Jonathan Ricquebourg aux images et de Mickael Dumontier au montage se fait certainement ressentir.
Il est certain qu’on sait d’avance que la réalité derrière les remakes est régulièrement loin d’être satisfaisante, mais face à un tel terrain de jeu que celui offert à la fois par sa source que par ses opportunités, surtout venant d’un homme qui a régulièrement fait les preuves de son talent tout comme de ses instincts, disons qu’on aurait espéré y retrouver beaucoup plus; que ce soit dans le meta, dans la critique intégrée, ou dans toutes les autres folies possibles histoire d’en offrir plein la gueule à tous les publics, autant ceux qui ne savent pas dans quoi ils s’embarquent que ceux croyant le savoir.
Reste alors un film avec les douceurs du premier, tout comme de son brio narratif, mais qui ne parvient à aucun moment à en transcender les très nombreuses possibilités.
À noter qu’il y a une scène à la toute fin du générique.
5/10
Coupez! est présentement à l’affiche en salle.