On attendait bien des choses, de la part de cette première saison de House of the Dragon, l’antépisode à Game of Thrones se déroulant près de deux siècles avant les événements dépeints par George R.R. Martin dans son incomplète série littéraire. Et force est d’admettre que la nouvelle création diffusée sur HBO est très largement à la hauteur.
Bien des années avant la naissance de Daenerys Targaryen, donc, c’est la famille de cette dernière qui règne toujours sur Westeros. Il en est ainsi, en fait, depuis la victoire éclatante d’Aegon le Conquérant, qui utilisa son terrifiant dragon pour unifier les sept royaumes sous sa férule. Enfin, plutôt les six royaumes…
L’action débute avec une mise en place directement tirée de Fire and Blood, une chronique historique écrite par Martin, et qui doit résumer les événements historiques ayant mené à The Song of Ice and Fire, le nom officiel de ce qui doit être un jour, espérons-le, une série de sept romans.
Durant les dernières années de règne du précédent roi, celui-ci rassembla un grand conseil des nobles pour décider de l’identité de son successeur : serait-ce Rhaenys, son premier enfant, ou Viserys, son deuxième enfant, mais son seul fils? À la suite d’un long débat, Viserys monta sur le trône, sa soeur se retirant dans les coulisses du pouvoir. Mariée à l’aîné de la famille Velaryon, grands et anciens alliés des Targaryens, elle ne cessa cependant jamais de tenter de manipuler les événements en sa faveur. « La reine qui ne fut jamais » : voilà comment certains la nomment, même de nombreuses années après l’ascension de son frère sur le trône.
Ce frère, d’ailleurs, hérite d’un royaume relativement stable, mais on sent déjà que sous la surface, les tensions augmentent. La mort en couches de sa femme viendra précipiter les choses : Viserys décide alors de nommer sa fille unique comme héritière, puis de marier la meilleure amie de celle-ci. De cette union naîtra plusieurs fils, ce qui vient jeter de l’huile sur le feu : faut-il respecter le serment d’allégeance au roi, et par extension, celui envers sa fille, ou plutôt respecter la tradition et faire en sorte que ce soit le premier enfant masculin qui monte sur le trône?
On l’aura compris, cette première saison servira à construire ces grandes tensions entre les Targaryens et les Hightowers, du nom de la famille d’Alicent, la deuxième épouse du roi Viserys, et ancienne meilleure amie de Rhaenyra, la fille héritière.
Chose inédite dans l’univers de Game of Thrones, le scénario effectuera parfois des bonds de plusieurs années en avant pour faire progresser l’intrigue. On aura ainsi droit à un changement d’acteurs et d’actrices selon les épisodes. Un peu comme si The Crown condensait ses saisons en une dizaine d’épisodes. Et avec une grosse dose de sang, bien entendu.
Un parcours presque parfait
Ultimement, l’expérience est-elle satisfaisante? Il est aisé de répondre que les gens de chez HBO ont fait mouche; nous ne sommes certainement plus à l’époque des dernières saisons de la première série, où le scénario avait été charcuté par les responsables de l’adaptation télé.
Cette fois, Martin semble surveiller le tout de près, même si des modifications ont bel et bien été effectuées, ne serait-ce que pour transformer une chronique historique, sans beaucoup de dialogues, en un script potable pour le petit écran.
Soulignons, par ailleurs, le jeu incroyable de plusieurs acteurs. Paddy Considine, d’ailleurs, qui porta, huit épisodes durant, le rôle d’un roi littéralement dévoré de l’intérieur par le poids de ses fonctions, et qui, plus que tout, souhaitait éviter la discorde entre les différentes branches de sa famille.
Saluons aussi Matt Smith, complètement jouissif dans le rôle du frère du roi, Daemon, un peu psychopathe, sociopathe et incestueux sur les bords, qui semble s’en donner à coeur joie tout au long de la série.
Et il y a aussi, bien sûr, Emma d’Arcy et Olivia Cooke, qui jouent respectivement les versions plus âgées de Rhaenyra et d’Alicent, dans toute la vastitude de rôles nécessitant tour à tour de la colère, de la détermination, de la peur, de la tristesse, de la joie, de l’espoir…
Ce qu’il faut toutefois souligner, c’est que contrairement à la série originale, où l’on pouvait tout de même trouver un peu de bon chez la famille Stark, par exemple, ou chez Daenerys Targaryen, tous des personnages généralement nobles et généreux, ici, il n’y a pas de « gentils », mais plutôt seulement deux groupes de personnes s’adonnant à de machiavéliques calculs.
Mais l’heure est sans doute aux antihéros. Quoi qu’il en soit, cette première saison de House of the Dragon impressionne du côté des visuels, du scénario et du jeu. Et maintenant que les dés sont jetés, la prochaine saison laissera certainement éclater la Danse des dragons dans toute sa fureur…