On aime ou on n’aime pas : la règle vaut peut-être pour l’ensemble de la discographie de King Gizzard and the Lizard Wizard, groupe rock psychédélique, mais aussi thrash metal, hard rock, pop, expérimental…, mais avec le dévoilement de Laminated Denim, sorte de suite (mais pas tout à fait) à Made in Timeland, sorte d’album semi-mythique, les boys de l’Australie proposent une vision de leur musique qui convaincra les plus zélotes, mais qui pourrait peut-être rebuter les plus néophytes.
Que penser, donc, de ce combo de deux jams de 15 minutes pile chacun? D’abord, que les gars de King sont productifs, les galopins : après Ice, Death, Planets, Lungs, Mushroom and Lava, cet album dont le titre a davantage des allures de liste d’épicerie complètement déjantée que de nom de disque, il était déjà prévu que nous n’aurions à peu près pas de temps avant de voir déferler une nouvelle proposition musicale. Dont acte.
Réglons d’abord quelque chose : peut-on apprécier Laminated Denim sans avoir écouté Made in Timeland? Certainement. Même si le second titre a finalement eu droit à une réédition en bonne et due forme, y compris en format numérique, après toute une histoire de copies seulement disponibles en vinyles, à quelques endroits et concerts précis, et de multiples versions piratées placées sur internet, Laminated Denim n’est pas une suite de ce premier essai musical composé de deux pièces-fleuves de 15 minutes.
Bien entendu, on trouve des similitudes, dans ces deux propositions. D’abord, ce bruit du temps qui passe, ou encore des mouvements métalliques des mécanismes des vieilles horloges, au tout début de The Land Before Timeland : tic, toc, tic, toc… Ces sons résonnent pratiquement comme autant de coups de massue, à l’instar des trois coups que l’on frappait avec le début des pièces de théâtre, à l’époque : installez-vous, ça va commencer, semble-t-on nous dire.
Et puis, bien sûr, intituler une chanson The Land Before Timeland… la référence est claire. Mais encore une fois, ici, pas de connexion si directe que cela; surtout que le style est totalement différent. De l’électronique expérimental, on passe au rock léger. Un rock léger avec des échappées psychotroniques, vers la fin, mais du rock léger tout de même.
Mais dans cette première proposition, ainsi que dans la seconde (et dernière), Hypertension, les influences sont claires : on va piger dans les premiers albums, dans ceux qui ont fait la renommée du groupe. Quarters!, d’abord, avec le concept des chansons qui tournent pendant un temps défini et égal, mais aussi Polygongwanaland, possiblement le plus grand chef-d’oeuvre du groupe, avec des sonorités qui rappellent la fantastique pièce Crumbling Castles. Qui elle aussi, comble de la surprise (ou pas), s’étirait sur une dizaine de minutes. À croire que King Gizzard and the Lizard Wizard aime les chansons qui s’étirent, s’étirent… Et on ne parle même pas, ici, des 18 minutes de The Dripping Tap!
Ultimement, pour les amateurs de l’univers de KGLW, Laminated Denim est la pièce manquante à un casse-tête qui passionne depuis un certain temps, déjà. Quelque chose comme une improvisation, mais une improvisation qui, paradoxalement, est contrôlée, maîtrisée, raffinée jusqu’à obtenir deux titres de 15 minutes tapantes.
Pour les autres, le disque est l’équivalent d’un exercice de style; rien de désagréable, évidemment, mais pas non plus une création musicale extraordinaire qui se démarque largement, par exemple, du précédent album, qui est encore tout chaud, d’ailleurs.
Malgré tout, Laminated Denim est un peu plus de King Gizzard and the Lizard Wizard. Et du KGLW léché, efficace et qui s’écoute franchement bien. À ajouter à une musicographie qui grandit, grandit, grandit…