Si les huit plus grandes banques canadiennes formaient un pays, ce dernier deviendrait instantanément le cinquième plus grand émetteur de gaz à effet de serre de la planète; voilà du moins ce qu’affirme Oxfam-Québec dans un nouveau rapport, où l’organisation s’en prend aux investissements dans les énergies fossiles, mais aussi dans l’industrie minière, de la construction, et les autres secteurs polluants de l’économie.
Le document en question, intitulé Investir dans un avenir à égalité et coproduit avec l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), révèle ainsi qu’en plaçant leur argent dans divers projets et entreprises reliées de près ou de loin aux formes d’énergie les plus polluantes de la planète, ces grandes banques canadiennes – Banque Laurentienne, Banque Nationale, Desjardins, Banque de Montréal, CIBC, Banque royale du Canada et la Banque Toronto-Dominion – ont un poids carbone supérieur à deux fois celui de l’ensemble du Canada.
Lorsque vient le temps de comparer cela aux émissions du Québec, on constate que ces banques « polluent » près de 23 fois plus que l’ensemble des Québécois.
Pire encore, écrit Oxfam, « une banque canadienne de taille moyenne finance à elle seule plus d’émissions polluantes que n’en émet le secteur du transport au pays », même si celui-ci est considéré comme le secteur le plus polluant de l’ensemble de la société; au Québec, le transport représente ainsi environ 43 % de toutes les émissions de CO2 et autres gaz qui provoquent les changements climatiques.
Et si toutes les banques étudiées disent viser la carboneutralité, le chemin qui demeure à parcourir semble long et tortueux : au dire des auteurs du rapport, pour chaque 100 tonnes de GES financées, les banques ne permettent d’en « économiser » 5, généralement en finançant des entreprises ou des fonds « verts ».
« Pour atteindre la carboneutralité, les « émissions économisées » devraient équivaloir à 100 % des émissions financées; or, aucune banque n’a un ratio supérieur à 10 % », déplore-t-on.
Au total, les auteurs du rapport disent avoir comptabilisées près de 2 milliards de tonnes de CO2 émises par des entreprises financées par les huit grandes banques évaluées, et ce, pour la seule année 2020.
Oxfam-Québec et l’IREC critiquent aussi le fait qu’aucune de ces banques ne s’est formellement engagée à se retirer entièrement du secteur des énergies fossiles; d’ailleurs, lit-on encore dans le document, certaines opportunités d’investissements «vertes » offertes aux citoyens ne permettent pas d’atteindre les objectifs climatiques de l’accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique et ses conséquences catastrophiques.
De là à parler d’écoblanchiment, soit l’acte de se draper dans une fausse vertu environnementale pour vendre des produits ou des services, il n’y a qu’un pas que les auteurs du rapport ne franchissent cependant pas.
Ce qu’ils proposent, toutefois, c’est que les banques canadiennes dévoilent l’intégralité de l’empreinte carbone de leurs prêts et investissements, et non pas qu’elles se limitent à leurs propres activités.
Les auteurs incitent aussi les institutions financières à tenir plus systématiquement compte des risques climatiques lorsqu’elles prêtent de l’argent ou qu’elles investissent.
On souhaite par ailleurs que les banques publient, d’ici deux ans et des poussières, un plan d’action pour atteindre la carboneutralité en 2050.
Et les gouvernements ne sont pas en reste : les auteurs du rapport pressent les parlements provinciaux et le fédéral d’« instaurer des normes claires pour réglementer les produits financiers considérés comme « verts », durables ou responsables, à l’instar de ce que fait l’Union européenne ».