S’attaquer à l’un des monuments de la culture populaire, qui plus est en décidant de raconter des événements précédant ce qui a déjà raconté, tient de la haute voltige. Voilà pourquoi il est quand même rassurant de voir que les concepteurs de Rings of Power, la télésérie basée sur les oeuvres incomplètes de J.R.R. Tolkien précédant Le Seigneur des anneaux, ont réussi à trouver leurs repères pour éviter que la première saison ne nous donne envie qu’elle soit aussi la dernière.
Il y a bien sûr eu la trilogie originale, celle de Peter Jackson; il y a aussi eu la très oubliable trilogie du Hobbit; voici maintenant Amazon qui embarque dans la bataille des téléséries à très grand déploiement, avec pas moins, dit-on, de 450 millions de dollars US consacrés à cette première saison de l’histoire de la création des anneaux de pouvoir, du retour de Sauron, et de la mise en place des pièces qui conduiront, éventuellement, à la quête de Frodon et de Sam vers la Montagne du Destin.
Nous voilà donc, avec huit épisodes dans cette première saison. Si la qualité de la production est franchement excellente – un demi-milliard de dollars permettra de vous acheter beaucoup, beaucoup d’effets spéciaux, sans compter les costumes et les tournages dans des décors naturels splendides –, c’est du côté du scénario que le bât blesse.
On sait déjà, après tout, ce qui finira en gros par se passer. Que ce soit en lisant les Contes et légendes inachevés ou Le Silmarillon, de Tolkien, ou encore en ayant joué aux différents jeux tirés de cet univers, notamment Shadow of Mordor et Shadow of War, voire même en ne lisant que les livres originaux, ou en ne voyant que les films du début des années 2000, on saura, en gros, comment tout cela se terminera : Sauron aura forgé son maître-anneau, celui pour les gouverner tous.
Et dans une tentative désespérée de vaincre le Mal, les Hommes et les Elfes formeront une alliance de la dernière chance, avec une bataille qui finira par une victoire partielle du Bien. Mais corrompu par le pouvoir de l’Anneau, Isildur refusera de détruire ce dernier, et la suite est connue.
Armé de cette connaissance, le téléspectateur se retrouvera un peu à piaffer d’impatience devant le départ très lent de la série. Bien sûr, il faut mettre les choses en place, présenter les personnages, etc. Mais c’est probablement là le grand problème d’un univers où les batailles sont enlevantes et où les enjeux, eux, sont existentiels. D’autant plus que les scénaristes effectuent toutes sortes de cabrioles pour que l’action suive un cours relativement normal.
Cela étant dit, cette première saison de Rings of Power demeure intéressante. Non seulement parce que l’on découvre de « jeunes » Galadriel et Elrond, qui seront plus tard des leaders elfes plus sages et plus expérimentés, lestés du lourd fardeau de leur éventuel échec à terrasser le Mal, mais aussi parce que cette Terre du Milieu est largement différente de celle que l’on découvrira dans les films de Jackson. Et donc, le résultat final est connu, oui, mais il est encore tout à fait possible d’offrir une grande aventure télévisuelle lorsque vient le temps d’expliquer le parcours de ces grands personnages qui marqueront l’histoire.
Il faut aussi souligner qu’à l’inverse de Game of Thrones, dont la série antépisodique House of the Dragon avait elle aussi droit à une première saison approximativement en même temps, Rings of Power ne pouvait bénéficier de la dizaine d’années d’expérience des créateurs du mastodonte culturel sur HBO. Et contrairement à cet univers, il ne faut pas oublier que Tolkien, lui, est mort depuis belle lurette, et ne peut donc pas fournir de conseils, à l’instar de George R.R. Martin.
Au final, les débuts de Rings of Power sont relativement difficiles. Mais les deux derniers épisodes de cette première saison valent largement la peine, et laissent présager d’une suite franchement enlevante. À voir!