Les années passent, et la parole autochtone prend de plus en plus d’espace sur les planches des théâtres d’ici. Pendant qu’Okinum est présentée à l’Espace GO, voici que l’Espace libre se prépare à accueillir, dès mercredi, L’enclos de Wabush, adaptée d’un texte de Louis-Karl Picard-Sioui. Rencontre avec Dave Jenniss, qui cosigne la mise en scène et est l’un des membres de la distribution.
« L’enclos de Wabush a germé dans nos têtes, aux Productions Ondinnok, par l’entremise de Louis-Karl Picard Sioui », mentionne au bout du fil celui qui est aussi directeur artistique de cette compagnie théâtrale. « Il est un bon ami à moi… Il a écrit Chroniques de Kitchike; c’est un livre de nouvelles. Je l’ai lu, et par la suite, je me suis dit que c’est un univers fascinant qui dépeint l’autochtonie différemment. Je trouvais qu’il y avait un potentiel théâtral dans tout cela. »
« J’ai pris un moment pour discuter avec Louis-Karl pour voir s’il était intéressé à adapter le tout au théâtre », poursuit M. Jenniss. « Il m’a dit « oui, j’aimerais ça, mais je ne veux pas que cela soit un copié-collé de mes nouvelles. Si l’on fait ça, j’aimerais prendre un ou deux personnages de mon histoire, et que l’on invente quelque chose ». J’ai dit oui, on fait ça! »
Dave Jenniss a donc donné carte blanche à M. Picard-Sioui : « Louis-Karl est parti, il a écrit, on a travaillé ensemble… Et cela a donné cette oeuvre qui est quand même assez éclatée, qui est assez drôle, qui est parfois touchante, et qui représente la réalité des Autochtones d’aujourd’hui. »
Toujours selon M. Jenniss, cette multiplication des oeuvres portant sur les réalités autochtones, ou encore mises en scène ou interprétées par des personnes autochtones est évidemment une bonne chose.
« À titre d’exemple, à l’automne dernier, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait six productions théâtrales autochtones dans la même période, à l’ouverture de la saison. C’était du jamais vu! On se rend compte qu’il y a une ouverture, mais aussi une prise de conscience par rapport au fait que le théâtre que nous créons est aussi intéressant et aussi bon que le théâtre non autochtone… Et que nous avons une parole, nous aussi. On a nos histoires, et on est fortement équipés pour le faire de façon juste, de façon vraie. On a de bons auteurs, on a de bons acteurs. Il y a maintenant quatre compagnies qui ont des parcours différents; nous sommes tous des gens qui se connaissons, parce que nous avons presque tous passé par Ondinnok quand nous étions plus jeunes. »
« Il n’y a pas de compétition, nous sommes plutôt là pour nous entraider. Nous sommes fiers de tout le monde, de pouvoir voir que le théâtre autochtone prend de plus en plus de place, mais que nous avons également l’opportunité de jouer sur des scènes institutionnelles, dans des grands théâtres. Et cela, pour moi, c’est vraiment une grande avancée », poursuit M. Jenniss.
En ce qui concerne L’enclos de Wabush, Dave Jenniss évoque « un texte très lumineux, assez drôle, voire ludique ».
Le spectacle n’en est d’ailleurs pas à sa première présentation : l’oeuvre a été jouée en 2021, lors de l’une des nombreuses périodes de fort ralentissement des activités culturelles, mais seulement à des fins de présentation en ligne. Cette fois, la pièce sera jouée directement devant public, avec plusieurs changements à la clé, autant en matière de mise en scène que du texte, ou encore du jeu des comédiens.
Pour Dave Jenniss et les autres membres de l’équipe, cette nouvelle version de L’enclos de Wabush sera l’occasion de revivre cette énergie « dont nous avons tellement besoin, lorsque nous sommes des acteurs », de sentir l’émotion du public. Tout en portant cette parole autochtone qui continue de trouver des façons de se faire entendre.
L’enclos de Wabush, présentée à l’Espace libre, du 12 au 29 octobre
Texte : Louis-Karl Picard Sioui
Mise en scène : Daniel Brière et Dave Jenniss
Interprétation : Marie-Josée Bastien, Charles Bender, Joanie Guérin, Dave Jenniss, René Rousseau et Émily Séguin