Un appel au dialogue, mais aussi un accès de colère contre la marche dysfonctionnelle du monde; une main tendue, mais aussi un geste qui indique clairement qu’il est temps de partir : la pièce Okinum, écrit et interprété par l’artiste autochtone Émilie Monnet, tente, en 55 minutes seulement, de résumer la relation entre les premiers peuples et ceux qui les ont suivi… et leur ont infligé tant de souffrances.
Dans le corridor froid d’un hôpital sans âme, une jeune femme attend; un cancer lui ronge la gorge. Est-ce « simplement » la maladie? Ou est-ce le résultat de la perte de son identité, de sa spiritualité, de sa langue? Tout cela se télescope sur scène, où Mme Monnet alterne entre les souvenirs de sa rencontre avec sa grand-mère, gardienne du savoir autochtone, les séquences explicatives racontant (très brièvement) certains impacts de la colonisation, et ces passages à l’hôpital.
Sur le coup, on pourrait avoir l’impression que l’oeuvre est quelque peu brouillonne, ou encore qu’elle part dans tous les sens. Après quelques minutes, cependant, on comprend qu’Okinum est la représentation des pensées qui se bousculent dans l’esprit de la comédienne. Nul doute que le public aurait lui aussi le cerveau rempli d’images, de son, voire d’odeurs, alors que le risque de mourir des suites d’une étrange maladie est de plus en plus présent. N’aimerions-nous pas retrouver ce qui fait de nous des individus distincts? N’aurions-nous pas ce désir de revenir à la source, de retrouver nos racines?
Et toujours, pour Mme Monnet et les Autochtones en général, ce sentiment d’avoir été placé de force du mauvais côté de l’histoire, d’être réduits à leur plus simple expression, d’être devenus à la fois des clichés et des parasites vivant en marge de la « bonne société », celle des Occidentaux.
Okinum est possiblement une oeuvre qui en dit plus, par ce qu’elle sous-entend, ou qu’elle ne montre pas, que par ce qu’elle présente à la face du monde. Même la disposition des sièges, installés en une sorte de cercle autour de la scène centrale, donne l’impression que l’interprète est jetée en pâture aux lions, qu’elle se donne en spectacle pour notre bon plaisir.
À cela, et à bien d’autres choses, il nous faudra continuer de réfléchir, même une fois les lumières rallumées à l’Espace GO.
Okinum, présentée à l’Espace GO jusqu’au 22 octobre.
Texte et interprétation : Émilie Monnet
Mise en scène : Émilie Monnet, Emma Tibaldo et Sarah Williams