Époustouflant. La puissance musicale du Sacre du Printemps de Stravinsky est affirmée et rehaussée par la chorégraphie de Pina Bausch et son interprétation par une nuée de danseurs du continent africain, hommes et femmes, issus de l’École des Sables. Autant dire qu’en ouverture de cette 25e saison de Danse Danse, ce ballet d’exception crée l’événement à Montréal.
Sur l’épais tapis de terre brune qui recouvre toute la scène, un corps allongé de femme en robe légère semble sortir de sa torpeur. C’est le réveil de la nature sur cette musique de Stravinsky, très douce au début et qui progressivement prend des rythmes et des tonalités sauvages et inquiétantes, voire violentes. C’est qu’il s’agit, pour l’humanité, de tenter de dompter le monde naturel qui lui échappe, et c’est par des rituels parfois cruels qu’elle espère y parvenir.
Dans cette interprétation (datant de 1975) de l’œuvre musicale destinée à être dansée, les trente artistes de l’École des Sables au sud de Dakar et qui proviennent de 14 pays d’Afrique, s’affrontent ou se coordonnent dans des chorégraphies d’une force et d’une intensité exceptionnelles. L’émotion est à son comble. Les tableaux sont superbes. Les performances à couper le souffle. Pendant la trentaine de minutes que dure le morceau, on vibre aux performances des danses coordonnées, des rondes étourdissantes, des duos splendides et poétiques, des courses folles à travers la scène et sur cette terre battue qui s’envole sous les pas et les sauts des danseurs. Tous les artistes semblent pris dans une transe incontrôlable et qui mène finalement au sacrifice ultime.
Ce ballet est un moment inoubliable. Il est précédé d’une première performance dans un tout autre décor de deux femmes que tout rassemble et tout oppose.
Germaine Acogny, fondatrice en 1998 de l’École des Sables en Afrique, et Malou Airaudo figure de la première heure du Tanztheater Wuppertal, la compagnie de danse contemporaine que créa Pina Bausch, se rencontrent dans un duo dansé qui marque symboliquement leur amour réciproque, leurs rapprochements dans la danse contemporaine et leurs différences fondamentales dont celle de leurs cultures africaine et européenne.
Entre les deux moments de la soirée, un entracte permet aux spectateurs de sortir de la salle. Ou d’y demeurer pour admirer et mesurer l’incroyable métamorphose de la scène, passant d’un lieu lisse et dépouillé, sur lequel deux tabourets et quelques roches savamment éclairées composent le décor à celui d’un espace sur lequel une terre épaisse sera quasiment labourée par les courses d’une foule de danseurs déchainés.
Danse Danse
Pina Bausch Foundation + École des Sables + Sadler’s Wells
Le Sacre du printemps de Pina Bausch et common ground[s] de Germaine Acogny et Malou Airaudo
Du 5 au 8 octobre 2022 au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts à Montréal